6500 Km ! À raison
d'environ 1 cm
par prépuce et de 650 millions de circoncis - africains, juifs, musulmans et
nord-américains -, ça nous fait quelque 6500 Km de peau perdue.
En mettant bout à bout les prépuces de tous les circoncis qui peuplent
actuellement la terre, on aurait de
quoi relier Paris à Katmandou...
Quel gâchis ! C'est pourquoi il faut encourager toutes les méthodes de
recyclage du prépuce. L'une des plus intéressantes, c'est la greffe de peau.
Ça ne veut pas dire que les brûlés s'appliqueront directement de la peau de
bite sur le visage.
En fait, la technique est plus subtile. Elle consiste à placer les
cellules de prépuce dans du collagène bovin. Et là, elles se reproduisent :
un seul prépuce peut ainsi générer 25000 m2 de peau. Avec 650 millions de
prépuces, on aurait largement de quoi offrir un lifting à tous les lépreux du
globe. Ce n'est pas que le prépuce possède des propriétés particulières. En
réalité, il sert juste de matière première en cellules cutanées. On pourrait
cultiver de la même manière n'importe quel déchet opératoire. Mais, à la
différence d'un mollet accidenté de la route, le prépuce de bébé - en général,
ce sont les bébés qu'on circoncit - est propre, jeune et se reproduit bien.
Applaudissons donc ce moyen de rentabiliser la circoncision. D'ailleurs, ce
n'est pas le seul : en Israël, le prépuce entre dans la fabrication de
l'interféron, un produit utilisé dans le traitement du cancer (voilà de quoi
faire réfléchir l'antisémite soigné grâce à du prépuce juif...).Parce que, en
dehors de ça, on serait bien en peine de trouver une quelconque utilité à la
circoncision. Bien sûr, elle est nécessaire en cas de phimosis, une
malformation qui empêche le gland de se décalotter. Pourtant cela ne justifie
pas la majorité des circoncisions. En fait, celles-ci sont essentiellement
imposées par un rituel religieux. ou pis, par la simple habitude, comme aux
États-Unis où 60% des hommes sont circoncis, quel que soit leur culte. Et
souvent aussi, les parents pensent que "c'est plus propre". Et
c'est bien là le pire, ce mythe de l'hygiène. Certes, le prépuce peut
s'infecter. Mais seulement s'il est sale ! Ce qui était justifié à l'époque
où les gosses passaient leur temps à quatre pattes dans le sable et se
lavaient une fois par mois devient ridicule à l'ère de la douche et du savon.
Substituer l'ablation au lavage est aussi absurde que de couper les oreilles
plutôt que d'utiliser des Coton-tige (à ce compte-là, il faudrait également
supprimer les dangereux foyers microbiens formés par les lèvres vaginales des
jeunes filles...). Cela dit, on trouve des chercheurs qui affirment, études à
l'appui, que la suppression du prépuce diminue les risques d'infection
urinaire ou de transmission du sida. Mais on en trouve autant qui démontrent
l'inefficacité de la circoncision... Sans parler des risques de complications
post-opératoires... Si bien que ce secteur de recherches donne surtout
l'impression que les médecins tentent de dénicher les arguments
"scientifiques" qui confirmeront leurs préjugés.
Les plus hypocrites vont jusqu'à avancer n'importe quel prétexte pour
justifier la circoncision : par exemple que le prépuce est un vestige de
l'époque où les vêtements n'existaient pas, et qu'il ne sert plus à rien
depuis l'invention du slip, alors autant l'enlever ! Il est clair que les
seules justifications de la circoncision sont d'ordre symbolique. Dans cette
perspective, les interprétations ne manquent pas. On dit que la circoncision
servirait à éliminer la part féminine chez l'homme, pour mieux
"séparer" les sexes, étant donné qu'un bout de peau qui se balade,
ça fait gonzesse. Par exemple, les Dogon du Mali pensent que les garçons cachent
une âme féminine dans le prépuce et les filles une âme masculine dans le
clitoris. Alors, on cisaille tout, et c'est réglé. Autre interprétation :
pour Freud, la circoncision est l'expression de la soumission à la volonté du
père castrateur, qui lance un avertissement : ne me concurrence pas, sinon tu
risques de subir une vraie castration, bien plus grave que celle dont tu
viens d'avoir un aperçu. On peut aussi interpréter la circoncision comme une
sorte de bizutage fondé sur la vieille idée qu'il faut en baver pour être un
mec et qui conduit à tous ces rites initiatiques dont les modalités varient
selon les peuples : marcher sur des braises, jeûner deux semaines dans la
jungle, ou subir d'autres mutilations comme l'incision du pénis en deux sur
toute la longueur... Il y a encore bien d'autres interprétations, mystiques,
religieuses, ou psychanalytiques de la circoncision... Même chez les
catholiques, qui ne la pratiquent pas, on peut en soupçonner des traces
symboliques : la tonsure des moines n'évoque-t-elle pas une sorte de
circoncision capillaire qui donne au crâne une allure assez proche de ce
qu'on pourrait appeler une "tête de gland"? Mais, à côté de ça, le David de Michel-Ange, qui est censé
représenter un juif, n'est pas circoncis : est-ce par pudeur ou pour ne pas
froisser les catholiques avec un signe de judéité ? Naturellement, là où le
prépuce est le plus valorisé, c'est en Israël : il y est même quantifié à 3%
du corps. En effet, lorsqu'un jeune homme passe l'examen médical du service
militaire, chacun de ses "défauts" lui fait perdre des points par
rapport à un corps "entier" qui correspondrait à 100 points. Eh
bien, dans la pratique, tous les hommes sont notés sur 97 !
La circoncision est si répandue qu'il est même tabou de la remettre en
question (à tel point qu'à l'heure où la pédophilie n'a jamais été autant
sanctionnée, le dernier homme qui peut sucer un sexe d'enfant sans être
inquiété, c'est un rabbin après une circoncision (dans l'étape dite mezizah soi-disant pour désinfecter,
alors qu'évidemment cela produit l'effet inverse...).
En définitive, il serait temps d'oser classer la circoncision dans les
mutilations sexuelles. Ses défenseurs prétendent qu'elle n'est pas
douloureuse. Commençons par ça, justement. Une récente enquête révélait qu'aux
États-Unis 55% des médecins pratiquaient la circoncision à vif. L'anesthésie
ne se justifie pas, disent-ils, car le système nerveux du petit garçon est
encore immature ! Là, c'est une autre énigme qui est posée : comment un
adulte sain d'esprit peut-il raisonnablement penser qu'un bébé (de 8 jours
chez les juifs) ou un jeune garçon (de 3 à 7 ans chez les musulmans) reste
insensible à un charcutage dont la seule évocation soulève des frissons chez
tout un chacun ?
Parfois, quelques voix s'élèvent. En 1999, l'Académie des
pédiatres américains déclarait, pour la première fois, que la circoncision
"n'avait pas de justification médicale". Certains allant même
jusqu'à préciser qu'elle est "contraire au 1er principe éthique qui
consiste à ne pas blesser". Mais en France, quel médecin oserait
rappeler que le code de déontologie médicale stipule "qu'aucune
mutilation ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux"? Les
partisans de la circoncision affirment encore qu'elle n'inhibe pas le plaisir,
contrairement aux autres mutilations sexuelles comme l'excision. Les
circoncis ne se plaignent pas, clament-ils. Cela dit, ils ne peuvent pas
évaluer le rôle du prépuce, s'ils ont été circoncis tout petits ! Or celui-ci
possède dix fois plus de récepteurs sensoriels que le gland. Comment imaginer
que cela n'ait aucun effet sur la sensibilité ? D'ailleurs, aux Etats-Unis,
une étude a montré que 60% des circoncis pour des raisons médicales se
plaignent d'une perte de sensibilité. De nombreux hommes circoncis à la naissance
n'apprécient pas du tout cette marque d'amour imposée par leurs parents. Les
plus radicaux vont même jusqu'à effectuer une "restauration de
prépuce". Une technique qui consiste à allonger la peau de pénis
restante et à la maintenir pendant plusieurs semaines par du papier adhésif,
éventuellement en la tirant avec un poids. Au bout d'un an on peut espérer
une couverture complète du gland. La technique n'est pas nouvelle. Elle était
déjà utilisée pendant le règne de l'empereur romain Hadrien. Comme les juifs
devaient payer une taxe pour chaque mâle circoncis, afin d'y échapper ils
avaient inventé un manchon en bronze qui étirait le prépuce. Plus récemment,
sous le régime nazi, des médecins proposaient (à prix d'or) des restaurations
de prépuce aux juifs qui y voyait le dernier espoir d'échapper aux rafles.
Pourtant la restauration de prépuce n'est qu'un pis-aller, et la circoncision a
encore de beaux jours devant elle. Alors, autant qu'elle serve à quelque
chose. Dans les sociétés traditionnelles, on mangeait le prépuce ou on le
portait en pendentif, ce qui contribuait à le réintégrer socialement.
Aujourd'hui, le prépuce, c'est de l'argent. Dans certains quartiers, on dit
que les circoncisions ont payé de nombreuses piscines de médecins...
Lesquels, d'ailleurs, déclarent souvent la circoncision rituelle comme une
opération médicalement justifiée, par un phimosis par exemple : du coup,
c'est la sécurité sociale qui paie une pratique religieuse. Le prépuce
rapporte aussi aux parents qui, aux Etats-Unis, peuvent vendre celui de leur
fils à un labo pharmaceutique. Et il est même coté en Bourse(s) par
l'intermédiaire de la société Novartis, qui le transforme en bandes de peau
artificielle. Tout cela permet donc d'affirmer que la circoncision est
l'illustration la plus aboutie du mariage entre le capitalisme et la
religion.
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