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LA CHASSE AU PRÉPUCE EST OUVERTE
Communiqué de Presse
1er janvier 2008
Docteur Gérard Zwang
Voici maintenant un
demi-siècle que je m’insurge contre la mutilation systématique
du prépuce des jeunes mâles de notre espèce. Depuis que, bon
petit citoyen effectuant son service militaire en Algérie,
j’étais chargé par mon médecin-capitaine de circoncire, « pour
raisons personnelles », des Guinéens, Soudanais (pas encore
Maliens !), Ivoiriens enrôlés dans l’armée française, en
parfaite santé, et qui avaient échappé au couteau du forgeron.
Fussent-ils déclarés catholiques et comptant se marier à la
cathédrale d’Abidjan. Leur fiancée n’aurait pas supporté,
disaient-ils, les voir encore porteurs de ce repli répugnant.
« C’est sale ». Nous avions pourtant suffisamment de boulot,
parfois des jours et des nuits entiers, avec les blessés en
« opération de nettoyage », ou en embuscade, avec les nombreuses
appendicites, les fractures et les hernies étranglées, pour ne
pas perdre notre temps à estropier le sexe de garçons
parfaitement normaux. Je l’ai avoué dans mes Mémoires de guerre
(Chirurgien du contingent), je désobéissais
sournoisement, ne faisant qu’une résection limitée, de façon à
ce que ces jeunes hommes conservent un peu de peau protectrice
et manipulable. Chirurgien établi, puis participant à la
renaissance de la Sexologie scientifique occultée par le
freudisme, je me suis conforté dans la conviction que le prépuce
était une formation anatomo-physiologique très utile, et que son
ablation systématique relevait autant de la culpabilisation
métaphysique que des coups et blessures sur mineurs. D’où mon
refus non moins systématique (tant pis pour le K 30 !) de faire
des « circoncisions propres » sur des petits africains ou
maghrébins – les israélites avaient leur mohel – amenés par des
parents soucieux de la « bonne santé » physique et morale de
leurs rejetons. D’où mon soutien aux organisations défendant
l’intégrité physique des petits humains, AME en France, NOCIRC
aux États-Unis. D’où la nécessité, toujours renaissante, de
formuler un solide argumentaire en faveur de la conservation
préputiale, et contre la circoncision, aussi bien rituelle que
prétendue thérapeutique. Car les partisans de la mutilation
reviennent perpétuellement à la charge. Il s’agit évidemment
toujours de circoncis, qui manifestent un prosélytisme
mutilateur obstiné, « enragé », totalement déraisonnable,
fussent-ils scientifiques. C’est ainsi que je dois m’encourager
régulièrement avec la devise de Guillaume d’Orange, devant les
offensives itératives des coupeurs de petits garçons. Combat
difficile contre une « coutume vénérable » bénéficiant du
respect papelard de parfaits athées, ou du monothéisme
séquellaire de gens qui ne vont jamais à la messe, ni à la
synagogue, ni à la Mecque, combat qui ne bénéficie que de peu de
soutiens. J’ai exposé cet argumentaire dans la plupart de mes
ouvrages, et je l’ai répété aux Rencontres internationales de
Marseille, les 16-18 septembre 2003, sous l’égide de
l’Observatoire international du droit, de la bioéthique et de la
médecine. Je le résume brièvement ici pour ceux qui ne
possèdent pas encore mes Œuvres complètes et qui déploreraient,
dans les conversations mondaines, que tant d’innocents bambins
soient encore condamnés, de nos jours, à souffrir et saigner
sous le couteau du sacrificateur. Perdant ainsi une partie
intégrante de leur constitution biologique humaine.
Le prépuce est une formation
anatomique utile.
Le prépuce normal coulisse
sans difficulté sur le gland. Comme la paupière sur l’œil. Le
mouvement physiologique est facilité par les glandes sébacées de
la base du gland, qui fournissent un excellent lubrifiant. Le
retroussement aisé permet de découvrir le gland pour la toilette
quotidienne. Il se produit spontanément et sans la moindre gêne
lors de l’érection. Aux premiers temps de la vie le prépuce pend
en trompe au devant du gland. Il le protège du croupissement
urineux et fécal, puisque le petit humain est incontinent, et le
préserve ainsi des infections. Celles qui sont responsables du
fâcheux rétrécissement inflammatoire du méat, chez
certains qui ont été circoncis à la naissance. Pendant l’enfance
et l’adolescence il offre son complaisant intermédiaire aux
pratiques auto-érotiques, aussi universelles, inévitables,
qu’utiles, puisqu’elles rodent le circuit neuronal déclenchant
l’orgasme. Á l’âge adulte il offre la même complaisance aux
flatteries manuelles de la partenaire, caresses bien nécessaires
pour parfaire puis entretenir l’érection, pendant le temps des
préludes qui préparent cette partenaire à l’étreinte. Il est
ainsi l’intermédiaire naturel de la tendresse érotique
féminine. N’ayant pas de prépuce à se mettre sous les
doigts, les femmes n’ont pas la même facilitation pour stimuler
leur partenaire. Surtout les maladroites… D’où la prédilection
pour les stimulations buccales : aux U.S.A., en pays
arabo-musulman, la fellation est un rite véritablement
obsessionnel.
Les arguments objectifs en faveur
de la circoncision sont tous révocables.
- La circoncision serait
« une indispensable mesure d’hygiène », pour tenir propre le
sexe masculin. Faux ! Il faut se boucher les oreilles
lorsqu’on entend ce prétexte aussi rebattu que fallacieux.
Surtout sortant de la bouche de civilisé(e)s se livrant
quotidiennement au cérémonial du brossage des dents, à la
toilette méticuleuse des replis vulvaires, au shampouinage
des cheveux, etc. Quelques secondes suffisent pour nettoyer
le prépuce et le gland avec un peu d’eau et de savon. Quelle
insupportable perte de temps !
- La circoncision serait
« l’indispensable prévention des infections urinaires
ascendantes du nourrisson, parfois mortelles ». Faux ! Ces
infections à germes coliformes sont contractées au contact
des voisins de nurserie, dont les colibacilles,
entérocoques, etc., ne sont pas de la même souche que les
coliformes maternels, les seuls contre lesquels le
nourrisson soit immunisé. Il suffit de le faire dormir dans
la même chambre de maternité que sa maman pour le mettre à
l’abri des infections nosocomiales.
- La circoncision serait
« le traitement de choix du phimosis ». Faux ! Si, lorsqu’il
a atteint cinq-six ans, le petit garçon ne décalotte pas
encore complètement, on peut libérer bien des adhérences
préputiales et bien des anneaux préputiaux pas trop serrés
par des manoeuvres de dégagement douces et bien savonnées –
ce devrait être un des rôles du papa… Pour les rares, je
maintiens rares, qui ont constitué un anneau infranchissable
sans forcer on peut intervenir chirurgicalement, lorsqu’ils
sont propres au lit. Mais pas pour circoncire. Pour
pratiquer une plastie dorsale qui dégage la coulisse
sans amputer le moindre bout de peau. Cicatrisation en
cinq-six jours. Résultat esthétique et fonctionnel garanti.
- La circoncision serait
« le traitement préventif de l’éjaculation prématurée ».
Faux ! Et pourtant, que de louanges n’a-t-on pas adressées à
cette « divine » opération qui permettrait à ses
bénéficiaires de « tenir » dans le vagin des heures et des
heures, sans succomber à l’excès de plaisir. Comblant ainsi
la partenaire, menée d’extase en extase, d’un interminable
régal phallique… Quand Masters et Johnson ont génialement
fondé la thérapeutique sexologique, ils ont eu affaire à des
centaines et des centaines d’éjaculateurs prématurés, tous
circoncis « à l’américaine ». Ils n’avaient donc pas été
« vaccinés » contre l’excès de précipitation. Les
expérimentations physiologiques de M & J ont d’ailleurs
amené la preuve que les circoncis et les « incirconcis » ( !
– on va en reparler) éjaculaient dans les mêmes temps de
stimulation – inutile donc, pour les insatisfaites, de se
mettre en chasse de beaux circoncis, proches ou exotiques...
Quant à la couche cornée que les circoncis développeraient
pour se protéger du contact « insidieux », irrésistible,
« trop bon » des parois vaginales, elle est parfaitement
inefficace chez beaucoup, qui se plaignent du désagrément
que leur inflige le contact direct du gland contre les
sous-vêtements.
- la verge débarrassée du
prépuce aurait « un meilleur aspect esthétique ». Faux ! Si
le gland porte son nom, c’est bien parce que, sa base à
moitié recouverte par le repli préputial, comme une bogue
végétale, il prend l’aspect du fruit du chêne. Aspect
enregistré comme un critère de normalité par les instances
instinctuelles de notre cerveau basal, où sont inscrits les
indices de reconnaissance de nos congénères. Aspect reconnu
et reproduit par toute notre statuaire. Si blâmable dans sa
censure figurative du sexe des femmes, notre Antiquité,
fondatrice de l’esthétique, a toujours reproduit l’aspect
normal du sexe masculin pourvu de son prépuce. Aspect
arrondi effilé du gland que perdent beaucoup de circoncis.
Leur gland n’étant plus « calibré » par la coulisse
préputiale s’élargit à la base. Il prend ainsi, s’évasant en
haut, une morphologie triangulaire parfaitement
inesthétique. C’est un des reproches que certains circoncis
adressent à leurs parents – on en reparle.
- la circoncision
« préviendrait le cancer », celui du col de l’utérus comme
celui du gland. Faux ! On sait maintenant que le cancer du
col utérin succède à des infections à papillomavirus. Il a
fallu ainsi renoncer à l’argument-massue, très prisé de
certains médecins juifs traditionalistes, qui prétendait que
le sebum lubrifiant, assurant le bon fonctionnement de la
coulisse, était un produit cancérigène. On sait aussi,
depuis peu, prévenir cet horrible cancer féminin par la
vaccination – quelle joie pour les chirurgiens qui, comme
moi, pratiquaient honnêtement mais sans enthousiasme les
interventions mutilatrices nécessitées par le cancer
développé. Quant au cancer du gland, fort rare chez les
leucodermes, il est beaucoup plus fréquent en contrée
asiatique. Là encore, on a incriminé le sebum balanique, et
le phimosis. Il s’agit bien plutôt d’un facteur ethnique de
prédisposition cancérigène chez les xanthodermes. D’ailleurs
n’existe-t-il pas au Siam, au Japon, d’excellents
établissements de bains ?
- la circoncision
diminuerait le risque de contamination par le sida. Voilà le
dernier argument-massue dont on voudrait qu’il inspire les
instances internationales de la Santé. Pour envoyer dans les
contrées africaines menacées des « missionnaires » qualifiés
sachant utiliser tous les procédés de l’anesthésie et de la
chirurgie modernes…
Les prédicateurs de la
circoncision prophylactique du sida se sont emparés de
l’argument avec, dirait-on, la même joie mauvaise que le Vatican
accueillit la diffusion en Occident de la syphilis et de la
blennoragie: ces maladies honteuses allaient enfin punir
directement les luxurieux et les débauchés. Et pourtant les
bases de la prescription mutilatrice sont loin d’être
concluantes. Deux essais financés par le National Institut
for Health (NIH) américain avaient été menés au Kenya et en
Ouganda. Les premiers résultats auraient montré une réduction de
moitié environ du risque d’infection par le VIH chez les hommes
circoncis. C’est ici que les deux essais ont été interrompus,
avant d’avoir été menés à leur terme sur un échantillon
suffisamment nombreux de la population masculine. Comme si la
cause était jugée et qu’il n’était plus besoin de dépenser du
temps et de l’argent pour prouver ce que les
enquêteurs, tous circoncis à l’américaine, voulaient dès
le départ démontrer. Biaisement de l’objectivité
scientifique dont j’ai été moi-même victime: invité en 1996 à un
Congrès parisien sur les rapports entre la religion et sur la
sexualité, ma communication en faveur de l’abolition de la
circoncision a été censurée, « sucrée » par les sponsors
américains de la réunion, les laboratoires Schering et Theramex
dont les fonds sont aux mains d’américains circoncis. Nourri sur
les bancs de l’université qui m’avait enseigné le respect absolu
de l’objectivité scientifique, je ne pensais pas devoir un jour
subir une telle vexation.
Ces résultats partiels, cette
conclusion hâtive ont parus suffisants pour bientôt déclencher
l’offensive anti-préputiale dont on menace des milliers
d’africains qui avaient échappé au couteau. Comme s’il
s’agissait de rebelles à la vaccination, faisant malignement
courir à leurs congénères le risque de l’extension morbide
pendant une épidémie de variole. L’opinion internationale est
ainsi toute prête à approuver les prescriptions de ces
respectables Institutions, que peu oseront contredire… du moment
qu’il faut couper les autres… Il y aura ainsi des « circoncis
pour l’exemple » !
Ici faut-il quand même se
poser honnêtement la question : « et si c’était vrai » ? Je
répondrai que d’abord certaines enquêtes épidémiologiques
antérieures auraient permis de penser que cette demi-protection
contre la contamination n’était valable que pour une seule des
formes du virus VIH : le circoncis n’aurait donc pas de
protection universelle. Ensuite que le substratum biologique de
l’éventuelle protection contre la contamination virale
n’apparaît rien moins qu’évident. Au cours de l’érection, puis
de la pénétration dans le vagin le gland des « incirconcis » est
complètement découvert, s’offrant « courageusement » aux hôtes
morbides hébergés par la partenaire, le prépuce complètement
retroussé ; or la situation est parfaitement identique chez les
circoncis. Où se trouverait la différence ? Enfin, et c’est le
plus important, qu’il est insensé de préconiser la mutilation
préventive d’organes qui pourraient, peut-être, un jour, devenir
malades. Je suis de ceux qui ont résolument résisté à la
totalisation systématique des hystérectomies pour lésions
bénignes. Pourquoi infliger à ses patientes la cicatrice du fond
vaginal, souvent longue à devenir indolore, et la privation d’un
col utérin sain, qui a d’autant moins de raisons de développer
un cancer que les anciennes opérées sont généralement plus
suivies que les autres ? Et alors, pourquoi ne pas pratiquer l’édentation
pour prévenir les caries ? Pourquoi ne pas réduire le volume de
la prostate de tous les sexagénaires ? etc ! Laissons tranquille
le prépuce de gens qui ne sont pas encore contaminés, mais
donnons leur les fermes conseils leur permettant d’éviter la
maladie.
On pourrait enfin se demander
ce que les prosélytes de la circoncision vont bien pouvoir
inventer lorsque le sida ne menacera pas plus les populations
que la peste ou le choléra. Car un jour la médecine
(occidentale !), on peut lui faire confiance, pourra proposer
vaccin et traitement radical à ceux qui, actuellement, ne
veulent renoncer ni au vagabondage sexuel, ni à la polygamie, ni
aux mômeries des marabouts, et refusent le préservatif comme la
contraception, suivant ainsi les recommandations de Notre Sainte
Mère l’Église. D’ailleurs n’oublions pas que le petit Jésus a
été circoncis, lui aussi, au huitième jour, ce qu’a oublié toute
l’iconographie chrétienne… Les adeptes de la circoncision
devront bien revenir à sa motivation métaphysique.
La circoncision n’est pas un geste
toujours anodin, elle possède ses dangers.
La mutilation traditionnelle
est bien sûr celle qui entraîne le plus de déboires. Certains
peuvent être dramatiques. La mort peut survenir. Par hémorragie
chez les petits hémophiles. Par infection gangréneuse. Gangrène
qui peut détruire la petite verge des survivants. Ne pas oublier
que, dans le cadre des rites de passage dont font partie les
mutilations sexuelles le risque de mort n’est pas exclu.
La plus « ordinaire » des
circoncisions demeure une cruelle agression, infligée à un
enfant sans défense : coups et blessures sur enfant mineur !
Les bonnes âmes encore touchées par l’épouvantail freudien des
« traumatismes psychologiques infantiles ineffaçables » ferment
lâchement les yeux sur le traumatisme physique bien réel, bien
saignant, bien douloureux, et bien marquant de l’amputation du
prépuce à vif. Surtout quand il est infligé à un garçonnet bien
conscient et bien terrorisé d’avance. Ainsi du petit musulman
coupé d’un bon coup de ciseaux transversal vers ses sept ans. Il
ne faut pas oublier que l’islam n’a fait que reprendre
l’intégralité de l’Ancien Testament, avec ses prescriptions
mutilatrices. Prescriptions auxquelles échappa miraculeusement
le prophète : par privilège spécial, Dieu l’avait fait naître
sans prépuce… et c’est ainsi qu’Allah est grand, comme le
répétait pieusement mon compatriote d’Auvergne Alexandre
Vialatte… Toujours est-il qu’on devrait présenter de temps à
autre, à la télévision, des reportages en direct sur la
« cérémonie ». Avec de gros plans sur l’instrument tranchant,
sur le petit sexe amputé, sur l’hémorragie, et sur le visage en
pleurs du petit garçon martyrisé. Âmes sensibles (celles qui
n’aiment pas les pendaisons télévisées) s’abstenir…
Fût-elle parfaitement indolore
que toute circoncision laisse, comme les autres, de fâcheux
stigmates. J’ai parlé plus haut du rétrécissement inflammatoire
du méat, de la boursouflure du gland, auxquels il faut joindre
les cicatrices disgracieuses des sections artisanales. Une
séquelle « psychologique » a commencé à se faire jour, depuis
que certains, dont les associations abolitionnistes, mettent en
doute le bien-fondé de la mutilation. Le sentiment d’avoir été
privé, sans son consentement, d’une partie intégrante de son
incarnation biologique. Sentiment développé au contact des
hommes entiers, sous la douche, à l’école, au sport, et, dans le
temps, au service militaire. Frustration à laquelle les
chirurgiens plasticiens peuvent remédier, et ce depuis
l’Antiquité, depuis Celse puis Ambroise Paré. La civilisation
gréco-romaine était farouchement hostile aux mutilations
corporelles. Les galles châtrés de Cybèle étaient méprisés, et
les athlètes hébreux des Jeux Olympiques se confectionnaient des
« semble-prépuces » de cire pour éviter les quolibets (« encore
un qui va nu-tête ! »). La médecine a fait là d’indéniables
progrès pour reconstituer le repli préputial ; elle peut même
conseiller, dans un premier temps, l’allongement de la peau par
des tractions persévérantes, comme l’avaient pratiqué certains
Pères de l’Église – pour prouver que la circoncision « selon la
chair » était réversible, donc insuffisante.
Il est une dernière
conséquence fâcheuse du « consensus » plus ou moins mou en
faveur de la circoncision rituelle. Tant qu’on laissera couper
les garçons, et, pire, tant qu’on encouragera leur mutilation,
il restera difficile de lutter contre les mutilations des
petites filles, excision, infibulation. Pour les esprits à
courte vue (ne soyons pas trop méchant !) il s’agit de la même
chose : les humains viennent au monde pas complètement homme ou
femme. Il faut les rectifier, couper le clitoris qui est une
verge parasite, couper le prépuce qui est un très embarrassant
anneau de type vaginal. Pourquoi donc faudrait-il renoncer à
rectifier les filles, puisqu’on nous encourage à rectifier les
garçons ? Un vrai casse-tête ! Parce que certains bons apôtres
occidentaux déconseillant l’excision sont en porte-à-faux quant
aux « rectifications » infantiles, membres circoncis
d’Organisations internationales, et, oserais-je dire,
atteints de la constante séquelle
« psychologique » de la circoncision : le prosélytisme.
Les milliards d’incirconcis n’ont
pas tous souffert de phimosis, d’éjaculation prématurée,
d’infections génitales, de cancer.
Ce sera mon propre argument
massue conclusif. L’énorme majorité des hommes restés entiers,
soit l’énorme majorité des « mâles humains », depuis
l’apparition de l’espèce, se sont très bien portés de disposer
de ce repli esthétique et fonctionnel. Et peut-être ne
rôtissent-ils pas tous en Enfer !
La motivation fondatrice de la
circoncision est le sacrifice métaphysique.
La marque du sacrifice
préputial est comme le tampon au dos de la main qui permettait
d’aller danser aux bals champêtres, une fois qu’on avait payé le
prix d’entrée. On pouvait ensuite s’en donner à cœur joie.
Qu’elle soit africaine, judaïque ou musulmane la circoncision
repose sur le même marché avec Dieu, les Dieux, les Esprits :
vous me faites mourir, pauvre humain, parce que vous êtes jaloux
des plaisirs dont je jouis sur Terre. Pour que vous me soyez
favorable(s) quand je vous rejoindrai après ma mort, je fais des
sacrifices, des aumônes, des dons au clergé, des jeûnes, des
Carêmes, des Ramadans, des vendredis sans viande, des jours
d’abstinence sexuelle, une vie de chasteté… je me fais couper un
petit bout de mon organe de plaisir. Ça fait mal, ça saigne,
mais après je pourrai me servir du reste en toute bonne
conscience. J’ai payé ! J’ai la marque ! On sait que ce marché
parut vraiment trop commode à Paul de Tarse. Il renonça à la
circoncision selon la chair, qui rebutait ceux qu’il voulait
convertir à la nouvelle foi. Au profit de la circoncision
selon l’esprit, qui entretient le salutaire remords d’avoir
contribué à la mort douloureuse du Seigneur, et qui fit
accrocher le pantelant crucifié au-dessus du lit conjugal. Mais
Saül avait sauvé le prépuce des petits chrétiens !
Nonobstant toutes les raisons
qui militent en faveur du respect de l’intégrité corporelle des
petits garçons, l’idée est si parfaitement ancrée dans l’opinion
publique que « dans le fond, il n’y a qu’à les laisser faire, ce
n’est pas si grave, cela témoigne du respect de la religion, et
c’est sûrement bon pour l’hygiène ». C’est tellement bon que
ceux qui n’ont pas été coupés demeurent dans l’état lamentable,
voire dangereux, d’incirconcision. L’apparition du terme
dans les dictionnaires courants rend perplexe l’excellent
linguiste Jean-Claude Raimbault. Terme aussi aberrant, captieux,
qu’ « hétérosexuel ». Issue des conceptions farfelues d’Alfred
Kinsey, « l’hétérosexualité » a été inventée pour mettre en face
de l’homosexualité l’autre « choix » possible de l’orientation
comportementale. Comme si le « choix homosexuel », déviation
d’objet exemplaire, était l’équivalent de l’orientation vers le
partenaire du sexe complémentaire, les deux laissés à l’effet du
hasard par notre programmation génétique. Tout ça pour ne
surtout pas utiliser le terme maudit, ringard, fasciste
(évidemment !), de normal. Terme vilipendé par le
freudisme orthodoxe. Terme honni depuis 68. Terme banni du
langage politiquement correct. Combien ai-je dû subir de lazzi,
d’attaques, défendant la sexualité normale ! Le normatif
est un tyran. Et il est évidemment scandaleux de parler d’homme
normal, normalement porteur de son prépuce normal et convoitant
normalement les femelles normales de son espèce, mais d’hétérosexuel
incirconcis…est-ce grave, docteur ?
Je redoute fort, dans ce
contexte, que l’envoi de missionnaires mutilateurs dans les
régions infectées par le sida ne suscite aucune campagne
d’opinion réprobatrice. « C’est pour leur bien » ! Nous allons
ainsi revenir aux temps bibliques de la circoncision de masse.
Lorsque Josué, sur l’ordre de Iaveh, circoncit tout le peuple
qui était sorti d’Égypte sur la Colline des prépuces, Josué
V, 3, lorsque David, sur l’ordre de Saül, abattit deux cents
hommes aux Philistins, et rapporta leurs prépuces, I Samuel,
XVIII, 27. Car, comme toute action illogique, l’obligation
mutilatrice était parfaitement ambivalente – à nous, Sigmund ! –
donc pathologique, à la fois sadique et masochiste, à la fois
retranchement vexatoire sur les vaincus, et marque divine
sacrificielle pour se concilier les faveurs de l’Éternel,
suivant la prescription de Elohim à Abraham : « voici mon
alliance entre moi et vous : tout mâle d’entre vous sera
circoncis », Genèse, XVII, 10.
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