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Médecine douce :

pour échapper au sida, coupez-vous la bite.

 

 Des chercheurs affirment que la circoncision réduit les risques de sida. Cela préfigure des programmes massifs d’éradication du prépuce en Afrique ..., qui surtout, présentent le danger de perturber le message sur l’utilisation de la capote.

Musulmans, Juifs ou animistes, les réducteurs de sexe de tout poil peuvent se réjouir. Le prépuce les rapprochait déjà de Dieu, on apprend maintenant qu’il les éloigne du sida. En clair, il semblerait que la circoncision réduise les risques de transmission du virus. C’est une équipe de scientifiques (dont des membres de l’INSERM), qui l’a déclaré la semaine dernière dans un colloque à Rio de Janeiro.

En soi, l’idée n’a rien de révolutionnaire. Le rôle de la circoncision dans la réduction de transmission du VIH est un serpent de mer qui a déjà fait l’objet d’une bonne trentaine d’études. Mais toutes s’étaient contentées de comparer le taux d’infection entre circoncis et non-circoncis. Quand elles concluaient que les premiers étaient moins infectés, ça ne démontrait pas grand-chose : peut-être que les circoncis étaient moins séropos... tout simplement  parce qu’ils forniquaient moins, étant plus bigots. Là où les travaux exposés à Rio sont novateurs, c’est qu’ils se basent pour la première fois sur un protocole expérimental.

La phobie du prépuce, trouble psychiatrico-religieux

Les chercheurs ont suivi 3000 hommes en Afrique du Sud. Ils en ont circoncis la moitié, choisis au hasard. Ils ont ensuite filé des capotes et les mêmes conseils de prévention à tout le monde. Et 3 ans plus tard, ils ont compté les hommes contaminés : 18 chez les circoncis contre 51 chez les non-circoncis.

Fort de cette différence de contamination (65 % !), les chercheurs frétillent de passer à la prochaine étape, intégrer la circoncision dans les politiques de santé des pays africains. “Mon rêve, c’est que la circoncision soit généralisée. L’épidémie serait ainsi divisée par 2 ou 3”, commente Bertrand Auvert chercheur à l’INSERM.

Admettons. Il est vrai qu’après la circoncision, la surface de muqueuse susceptible d’entrer en contact avec les sécrétions vaginales est réduite : logique que le virus rencontre moins de porte d’entrée. Et puis, mis à nu et sans protection, le gland finit par se durcir à la manière d’une main de bûcheron : normal, encore, que le virus rencontre de la résistance au passage.

Le nouvel ordre génital

Mais dans tout ça, on oublie quand même une chose. C’est de mutilation qu’il s’agit. Le fait est indéniable, scientifique : l’ablation du prépuce entraîne la suppression de milliers de terminaisons nerveuses parmi les plus sensibles de l’organisme*.

Mais bon, le sida avant tout. Alors, à ce compte là, il faut aller plus loin. Tant qu’à fermer des passages au virus, on pourrait carrément nécroser  le gland à coup de rayons laser. Et si on veut réduire les surfaces de muqueuse, le mieux serait encore de raccourcir le pénis d’un bon centimètre. D’ailleurs, par souci d’égalité, faisons la même chose avec les femmes. Grandes lèvres, petites lèvres, tout ce falbala offre une multitude de chemins à la contamination. Ratiboisons tout ça pour diviser par 10 le risque d’infection.

Alibi médical et mirage pervers

Le raisonnement des chercheurs est mathématique. Sachant qu’en Afrique le préservatif est peu utilisé (seul 1 rapport sur 5 est protégé), et tenant compte du fait que la circoncision divise par 3 les risques de contamination, alors, si tous les hommes sont circoncis, ça fera toujours ça de gagné. C’est là que je me permets de douter. L’Afrique est pourrie par les rumeurs les plus farfelues sur le sida. Par exemple, les Africains du Sud croient échapper au virus en violant une fille vierge, pendant que les Gabonais s’imaginent guérir en achetant les prières d’un pasteur évangéliste. La promotion de cet ersatz de solution que serait la circoncision risque de bordéliser encore davantage les esprits. Les hommes négligent la capote même lorsqu’ils sont bien informés. Comment imaginer qu’ils vont davantage la mettre en se croyant immunisés par la suppression du prépuce ? C’est évidemment l’inverse qui va se produire. Vas-y, Popaul, vu qu’il y a moins de risques ! Et il faudra s’attendre à davantage de contaminations, surtout chez les femmes, que la circoncision masculine ne protège en rien du virus.

Non. La seule et unique solution, c’est de continuer à marteler qu’il y a pas de salut en dehors de la capote, et ce n’est certainement pas en cautionnant une tradition barbare qu’on va aider l’Afrique. Il y a la dessous les relents d’un nouvel ordre hygiéniste aux arrière-goûts religieux. Qu’elles s’appuient sur des prétextes sanitaires ou religieux, les mutilations sexuelles sont inadmissibles. Supprime-t-on les muqueuses nasales afin d’éviter la grippe ?  Non.

Alors, fichez la paix à nos pénis et à nos vulves.

 

Antonio Fischetti - Charlie Hebdo 04/08/05

 

* Sous prétexte que la circoncision n’empêche pas l’orgasme, elle est généralement considérée comme non-handicapante. Par fierté ou par pudeur, les hommes circoncis ont du mal à admettre qu’ils ont moins de plaisir que les non-circoncis. Ils oublient que la comparaison leur est difficile, vu qu’ils ont généralement été circoncis très jeunes. N’empêche qu’aux Etats-Unis, où les bébés masculins sont circoncis de façon quasi systématique, des associations d’hommes demandent réparation contre cette atteinte à l’intégrité qui leur a été imposée.

 

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