ARTICLE 222


Journal pour les Droits de l'Enfant


N°59______________________________________________4e trimestre 2014


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sculpture du moyen-âge

Musée de Cluny

Paris 6ème



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couteaux & habits pour la circoncision rituelle au moyen-âge

Musée Art et Histoire du Judaïsme

Paris 4ème



REVUE DE PRESSE



Le médecin pratiquait-il la circoncision aux frais de la Sécu?

«Je reviens pour régler cette affaire et trouver un terrain d'entente avec la CPAM pour un remboursement». Début août, à la descente de l'avion le ramenant d'Abu Dabi, M. Z, chirurgien franco-algérien de 45 ans a été arrêté et placé en détention provisoire. Mardi, il comparaissait devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour demander sa mise en liberté provisoire en attendant son procès, le 17 septembre. Le tribunal a estimé ses garanties suffisantes et à accéder à sa requête. M. Z est toutefois placé sous contrôle judiciaire

Les faits qui lui sont reprochés datent de 2006. À cette date le chirurgien, sous couvert d'actes purement médicaux, aurait facturé à la sécu plus d'une centaine de circoncisions rituelles. L'Assurance maladie estime à environ 76000 € le montant du préjudice et de la somme indûment versée à l'urologue. D'autres soupçons de fraude pèsent sur M. Z. Ainsi, selon la sécu, 941 actes facturés qui n'auraient pas été réalisés et 172 actes «non justifiés», en l'occurrence des échographies, viennent alourdir les charges. Mais voilà, à cette date, l'homme et sa famille sont introuvables. Le chirurgien sera cependant condamné par défaut en 2012 à trois ans d'emprisonnement.

Un an après les facturations supposées frauduleuses, l'homme, sa femme et ses deux filles se sont volatilisés. Et c'est aux Émirats Arabes que la famille a posé ses valises. Depuis 2007, le chirurgien urologue exerce dans un établissement public d'Abu Dabi. «Il n'y a aucun lien entre cette affaire et mon départ à Abu Dabi. Je n'ai été informé de ma condamnation par défaut que cette année par l'ambassade. J'ai attendu la fin de l'année scolaire de mes filles et le terme du Ramadan pour revenir. Je savais qu'en arrivant en France, je serai arrêté.». Dans le box des prévenus, encadré de deux policiers, l'homme vêtu de blanc arbore une longue barbe, s'exprime clairement et calmement : «J'ai besoin d'être dehors pour préparer ma défense et m'occuper physiquement et moralement de mes deux filles. L'une est diabétique, l'autre est handicapée». Appelé à la barre son avocat avance ses capacités de remboursement (le chirurgien toucherait 10000 euros par mois à Abu Dabi), la nécessité pour lui de régler cette affaire afin de pouvoir continuer à exercer. Autre garantie avancée: l'homme a pris un appartement en location, à Villeurbanne, près de Lyon, d'où est originaire sa belle-famille.

Après délibération, c'est provisoirement libre que le chirurgien est ressorti du tribunal. Le 17 septembre, M.Z sera à nouveau convoqué à la barre afin de répondre, de vive voix cette fois-ci, des faits qui fraude qui lui sont reprochés. Pourquoi disparaître aussi rapidement? La question a taraudé les enquêteurs. Car M. Z est aussi connu pour ses thèses flirtant avec le fondamentalisme religieux. Et à ce titre, de nombreux services d'enquête français et étrangers, dont Scotland Yard, se sont intéressés à son profil après les attentats de Londres perpétrés durant l'été 2005. Ces attaques à la bombe, attribuées à Al-Quaïda, avaient fait 56 morts et 700 blessés. En 2007, des enquêteurs parisiens de l'antiterrorisme se déplacent à Toulouse pour collecter des renseignements. Le chirurgien est soupçonné d'appartenir à une mouvance terroriste. Aujourd'hui, ces soupçons ne semblent plus d'actualité.

ladepeche.fr – 29/08/14



Il facture 76.000€ d'actes fictifs à la Sécu


Un chirurgien de 45 ans a été reconnu coupable ce mercredi par le tribunal correctionnel de Toulouse d'avoir escroqué la sécurité sociale en 2006 en facturant des centaines d'interventions fictives ou de circoncisions non justifiées par une pathologie. A la barre, Mohamed Ziani, chirurgien urologue, a reconnu avoir fraudé la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne à concurrence de 76.000 euros et s'est engagé à rembourser cette somme.


Le tribunal, suivant les réquisitions du parquet, a reconnu sa culpabilité et ajourné le prononcé de la peine au 18 mars 2015: le tribunal vérifiera alors si Mohamed Ziani s'est acquitté de l'intégralité de la somme. Le procureur, Claudie Viaud, a averti que dans le cas contraire, elle réclamerait une peine de prison ferme. Mohamed Ziani avait été condamné en son absence à 3 ans de prison ferme en février 2012 à Toulouse pour les mêmes faits et un mandat d'arrêt avait été décerné contre lui.


Ce mandat a été mis à exécution début août lorsque le chirurgien est rentré en France de son "plein gré" - depuis les Émirats arabes unis où il exerce depuis 2007 - pour "régler cette histoire toulousaine une fois pour toutes". Placé en détention provisoire pendant trois semaines, il comparaissait libre mercredi.


Le chirurgien a expliqué avoir fraudé la CPAM en raison de difficultés financières: il s'était installé, en provenance d'Angers, dans une clinique privée de Toulouse à l'invitation pressante d'un autre urologue mais avait vite déchanté, réalisant que ce dernier n'avait, selon Mohamed Ziani, aucune intention de partager sa clientèle avec lui. "Les seuls patients que j'avais à l'époque, c'était des enfants pour des circoncisions", a-t-il expliqué.


Les circoncisions justifiées par une pathologie sont prises en charge par la sécurité sociale mais pas celles pratiquées pour des raisons religieuses. Interrogé par le président, le prévenu a reconnu qu'il n'ignorait rien de la loi au moment des faits. Au delà de ces circoncisions, dont on ignore si elles ont toutes été réalisées, le chirurgien est accusé d'avoir facturé des actes fictifs en "quantités industrielles", selon l'avocat de la CPAM, Michel Stansal: plus de 1.000 entre janvier et août 2006.


En 2007, Mohamed Ziani avait précipitamment quitté la France pour Abou Dhabi alors que la direction de la clinique où il exerçait sollicitait des explications de sa part sur ses pratiques. Le chirurgien exerce depuis dans le principal hôpital public d'Abou Dhabi et y occupe, selon lui, un rôle central dans le service d'urologie.


lefigaro.fr – 18/09/2014



Décalottage : laissez pisser!


Tradition française, cette pratique gêne nombre de parents, d’autant que les avis divergent. Pour le médecin Martin Winckler, les garçons s’en sortiront très bien en jouant avec leur zizi. Je n’ai jamais touché au sexe de mes fils, confie une mère un peu sur la défensive. S’étonner que des mères soient mal à l’aise devant le prépuce de leur garçon serait gonflé. On en croise peu qui se réjouissent d’avoir à triturer ce petit matériel, la plupart sont embarrassées, gênées, et délèguent volontiers l’affaire au père. Lequel n’est pas forcément plus habile, mais le bon fonctionnement du sexe de son fils semble davantage lui importer que son propre embarras. Confier le petit aux mains du médecin? Autant le savoir, la question du décalottage fait polémique entre eux.

Certains prennent publiquement position, tel Martin Winckler, qui a publié sur son blog Touche pas à mon prépuce. Le médecin-écrivain est formel, le geste n’a que des inconvénients et aucun avantage. Il serait même contre-productif : C’est le décalottage répété, en provoquant des inflammations qui est la cause du phimosis. Bref, bas les pattes, invite Winckler, le petit garçon se charge très bien lui-même de dilater l’orifice de son prépuce en se masturbant. Vu le joujou extra qui semble à la disposition des bébés dès lors qu’ils ont le bras assez long, le propos de Winckler semble plutôt convaincant. Au passage, il épingle comme souvent ses confrères, en assurant: si un médecin vous en parle, répondez-lui que vous laissez à votre enfant le soin de régler ce problème-là, et surtout ne laissez pas le médecin vous faire une démonstration. Et ce n’est pas tout. Définitif, le médecin blogueur volontiers gourou, assène: je décalottage est une pratique culturelle en France, pas du tout dans d’autres pays. Faut-il la condamner comme d’autres interventions barbares?

Certainement pas, assurent des pédiatres comme Marc Sznajder, membre de la société française de pédiatrie, qui soutient: il faut vérifier que le décalottage fonctionne à partir de 2 ans. Lui le fait en consultation et estime que c’est une part de l’examen médical. Le discours qui consiste à dire qu’il ne faut surtout pas toucher au prépuce n’est pas adapté à la réalité, poursuit Sznajder. S’il y a un problème d’adhérences, il faut s’en apercevoir.

Ce que contredit formellement Yves Aigrain, chef du service de chirurgie viscérale et pédiatrique de l’hôpital Necker et ex-président de la Société française de chirurgie pédiatrique: je suis tout à fait d’accord avec Martin Winckler. Moins on touche et mieux c’est. Il faut laisser l’évolution physiologique se faire. Les érections du garçon et ses propres manœuvres vont suffire à 99,5% à libérer les adhérences préputiales. Le chef de service se montre catégorique: l'obsession française du décalottage existe bel et bien, mais elle est contredite par la littérature scientifique: on crée plus de problèmes en décalottant volontairement qu’en laissant faire.

Parents, vous qui êtes familiers des discours contradictoires, restez zen. Oui, des mères envient leurs homologues juives ou musulmanes qui n’ont pas à se soucier du prépuce de leurs fils puisque la circoncision est passée par là. Et des pères fuient leurs responsabilités en lançant à leur femme: tu l’as décalotté, pour voir? Vous, vous faites comment?

Alexandra, fils de 7 ans: je ne m’occupe pas du prépuce de mon fils, c’est le pédiatre qui le décalotte, à chaque consultation. Mais celui que je consultais il y a quelques années ne le faisait pas et du coup, quand celui-là fait ce geste sur mon fils, j’ai toujours un moment de gêne. Je ne sais pas si c’est indispensable ou pas, c’est une question que je me pose souvent.

Fabien, jumeaux de 8 ans: ma mère me demande régulièrement si je décalotte mes fils. Elle le fait comme elle vérifie qu’ils sont passés chez le coiffeur ou qu’ils ont les mains propres avant de venir à table. Je botte en touche, je lui réponds oui, oui, bien sûr, mais la vérité, c’est que je ne le fais pas. Si, j’ai essayé une fois, et comme ce n’était pas si facile à faire, je n’ai pas recommencé. Quand ils étaient petits, on voyait un pédiatre qui ne s’est jamais soucié du décalottage. Et le généraliste qui a pris le relais ne nous en a jamais parlé non plus.

Damien, 2 garçons de 10 et 5 ans: mon frère aîné a dû se faire opérer pour un phimosis et ma mère m’a toujours dit qu’elle n’avait jamais osé le décalotter, du coup j’ai pris les devants. Vers 7 ou 8 ans, chez notre médecin de famille, j’ai dit à ma mère de se retourner et j’ai demandé au docteur de m’expliquer. Je n’ai pas tout compris, puisque j’ai bien failli m’arracher le frein en mettant ses conseils en pratique. Mais j’ai persisté et fini par saisir le geste. Je l’ai appris à mes fils. Ma femme ne veut pas s’en occuper, j’ai donc expliqué à mes garçons comment faire sous la douche et, depuis, ils se débrouillent tout seuls.

liberation.fr – 26/08/14



Pas touche au prépuce

Beaucoup de jeunes garçons se sont fait malmener le prépuce pour des prunes. Pendant longtemps, on a recommandé aux pédiatres et puéricultrices de tirer violemment dessus pour découvrir le gland. Soi-disant pour éviter les infections, une adhérence de la peau, ou bien un phimosis (prépuce trop serré). On sait aujourd'hui que c'est non seulement inutile, mais aussi dangereux : des études ont montré qu'un décalottage brutal peut, au contraire, provoquer une déchirure de l'anneau du prépuce. Bref, il suffit de laisser faire la nature. Les pédiatres s'opposent donc de plus en plus à cette pratique. C'est le cas de Dominique Le Houézec, qui, dans son blog sur lemonde.fr qualifie le décalottage forcé «d'usage ancestral  qui s'accompagnait de saignements et de douleurs que la médecine officielle banalisait» avant de conclure: « laissons les prépuces grandir et se développer sans se préoccuper des héritages socioculturels». C'est quand même dingue, ce qu'on lui en veut, au prépuce! Déjà qu'il est la cible des religieux, qui veulent le couper, il est grand temps que le corps médical le laisse vivre en paix.

Antonio Fischetti – Charlie-Hebdo – 13/08/2014



La circoncision «à l’américaine» fait fureur à Madagascar

La circoncision est une tradition ancestrale à Madagascar. Les enfants sont pour la plupart circoncis à l’âge de 2 ans ou 2 ans et demi, avant leur scolarisation. Outre la méthode traditionnelle, celle à l’américaine est très en vogue sur l’île Rouge. Les parents choisissent cette méthode afin de réduire la douleur de l’enfant. Le prépuce est retiré à l’aide d’un appareil spécial doté d’une technique moderne à la capsule, au bistouri. Le célèbre cabinet Ankadifotsy n’a pas attendu que cette pratique soit en vogue pour la pratiquer, puisque cela fait 22 ans que ce cabinet emploie cette méthode. Le Dr Rahaja Rafalimanana affirme que les parents préfèrent la circoncision à l’américaine car elle présente moins de risque et est facile à soigner en cas de complication, rapporte La Gazette. Le coût de l’opération varie en fonction du traitement, entre 60 000 et 100 000 ariary. Malgré l’existence de cette nouvelle méthode, des familles préfèrent la circoncision traditionnelle. Les hommes de la famille, du grand-père à l’oncle en passant bien évidemment par le papa, se regroupent et préparent les accessoires nécessaires au rituel: cannes à sucre, eau sacrée Rano Mahery, banane. La circoncision est dirigée par un guérisseur traditionnel ou rain-jaza qui doit couper le prépuce à l’aide d’une lame. Le prépuce est ensuite, toujours selon La gazette, avalé par le grand-père avec de la banane. La canne à sucre est censée permettre au jeune garçon d’avoir beaucoup de descendances mâles. Quant à l’eau sacrée recueillie au pied d’une montagne par un homme fort, qui ne doit pas être orphelin, sert au rain-jaza de nettoyer ses mains, la plaie et le couteau. L’enfant est ensuite présenté au reste de la famille qui l’attend en chantant, en dansant et avec des cadeaux. Dans d’autres cas, c’est le manque de moyens qui empêche des familles d’utiliser la méthode moderne, dont le coût varie entre 60 000 et 100 000 ariary (environ 17 à 30 euros). Des associations prennent toutefois en charge, chaque année, le coût de circoncision des familles les plus démunies. De plus, la commune urbaine d’Antananarivo (CUA) procède aussi à la circoncision de masse depuis quelques années. Durant un mois et demi, la CUA effectue tous les vendredis une circoncision de masse dans les CSB Namontana, Andravoahangy, Volosarika ainsi qu’au BMH Isotry, rapporte Newsmada.

Qu’elle soit faite de manière traditionnelle ou moderne, la circoncision sur la Grande île est une étape obligatoire qui doit permettre au garçon d’acquérir sa virilité et d’entrer dans le monde des adultes. Par ailleurs, la circoncision réduirait les risques de maladies sexuellement transmissibles, notamment la syphilis et le VIH, d’où les campagnes de l’OMS en sa faveur.



afrik.com – 30/07/2014



Être juif et s'opposer à la circoncision

C’est un colloque au titre étonnant qui s’est tenu cet été à Boulder (Colorado) : le 13ème Congrès sur l’autonomie génitale et les droits de l’enfant. Il s’agit d’un cadre interdisciplinaire autour des mutilations sexuelles rituelles, l’excision et la circoncision étant les formes les plus connues. Des juifs, d’Israël et des Etats-Unis, sont ainsi venus présenter une pratique qui prend de l’ampleur, la brit shalom, tendant à remplacer la brit milah (circoncision classique). Il s’agit d’une cérémonie au cours de laquelle la communauté réserve un accueil chaleureux au nouveau-né, sans couteau ni bistouri, et sans exclure la gent féminine de ce moment si essentiel pour les juifs puisqu’il marque l’alliance du peuple juif avec son dieu.

A Cologne, il y a deux ans, un tribunal allemand a condamné la circoncision rituelle médicalement non-justifiée de garçons mineurs. Charlotte Knobloch, présidente de la communauté juive en Allemagne, s’était émue de ce jugement en posant à ses concitoyens, à la une des journaux, cette simple question Vous nous en voulez encore? Dans son article, elle expliquait qu’une remise en cause de la circoncision rituelle signifierait la fin de l’existence de la petite communauté juive en Allemagne. Son homologue autrichien, Ariel Muzicant, avait introduit une comparaison malheureuse dans la discussion: une interdiction de la circoncision serait pour lui assimilable à une nouvelle tentative de Shoah, une extermination du peuple juif, mais cette fois-ci avec des moyens intellectuels. Le rabbin viennois Shlomo Hofmeister avait, lui, comparé cet acte chirurgical, qui aux Etats-Unis cause plus de 100 morts chaque année, à une coupe de cheveux. Dans son article, il ne critiquait même pas la mezizah, un type de circoncision pratiqué par les communautés strictement orthodoxes au cours de laquelle le sang est aspiré directement par le mohel (celui qui pratique la circoncision) avec sa bouche.

En tant qu’humaniste et membre de la communauté juive en Autriche, j’ai critiqué la circoncision des bébés et des enfants et j’ai été, à mon tour, accusé de préconiser l’extermination des Juifs et d’être victime d’un type particulier de haine de soi. Les non-juifs, eux, sont confrontés à de telles occasions à des accusations d’antisémitisme. Pourtant, 70 ans après la Shoah, il devrait être possible de prôner des réformes dans le judaïsme sans remettre en question pour autant l’identité juive. Le contre-argument est souvent: Mais c’est dans la Torah! Bien sûr, on pourrait d’abord se demander pourquoi les femmes ne devraient pas, elles aussi, porter de signe de cette alliance avec Dieu. Il est également intéressant de noter que le judaïsme rejette déjà d’autres passages de la Torah. Dans le 3ème livre de la Genèse, on lit par exemple : Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils commettent tous deux un acte abominable. Ils seront punis de mort, leur sang retombera sur eux» (Lév. 20, 14). Aucun juif sain d’esprit ne tenterait aujourd’hui de tuer les homosexuels. En Autriche, où je vis, le piercing est autorisé à partir de 16 ans, 18 ans pour les piercings génitaux et 16 ans pour les tatouages. Pourquoi autoriser l’amputation du prépuce à l’âge de 8 jours ou jusqu’à 7 à 9 ans, dans le cas des musulmans ? Maimonide, le philosophe, rabbin et médecin le plus important du XIIe siècle, avait déjà signalé que la circoncision avait un effet inhibiteur sur la jouissance sexuelle. C’est pour cette raison que les quakers recommandaient la circoncision aux Etats-Unis car la perte de sensibilité du pénis devait aider à lutter contre la masturbation. Avant cela, dans la première moitié du XIXe siècle, un mouvement juif réformé important avait rejeté ce rituel. Theodor Herzl, le fondateur du sionisme politique a non seulement critiqué la mezizah, il a aussi veillé à ce que son propre fils, Hans, ne soit pas circoncis. Franz Kafka a été tellement secoué par la circoncision de son neveu qu’il a décidé le lendemain d’écrire un rapport sur les circoncisions en Russie. Sigmund Freud a vu, pour sa part, dans ce rituel un substitut de la castration, une expression de la soumission à la volonté du père.

Selon la Halacha, doctrine du judaïsme fondée sur les lois écrites et orales, on peut tout à fait être juif sans être circoncis. La nécessaire séparation de l’Etat et des religions devrait permettre de placer les droits des enfants au premier plan, en particulier l’article 19 de la convention relative aux droits de l’enfant, qui concerne l’intégrité physique. Comment se peut-il que l’Agence européenne des droits fondamentaux puisse compter jusqu’à trois personnes employées à temps plein en qualité d’experts pour les droits de l’enfant sans n’avoir jamais publié une seule ligne sur la circoncision forcée ? Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny pendant vingt-trois ans, expliquait dans Libération : Le corps de l’enfant n’appartient pas aux parents. Il faut, ainsi, condamner de manière très explicite l’excision. Et commencer à ouvrir un débat sur la circoncision, comme l’a demandé l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Je suis juif, je sais que c’est très polémique de dire ça. Mais circoncire, c’est modifier le sexe d’un enfant au nom de ses croyances à soi.

Jérôme Segal – liberation.fr – 14/09/2014



La circoncision n'est pas l'excision

Lundi 15 septembre, Monsieur Jérôme Segal, «enseignant-chercheur» publiait dans les pages Rebonds un article provocateur contre la circoncision, qu’il présentait avec l’assurance d’un spécialiste comme le pendant masculin de l’excision. À ce titre, il louait un colloque américain «interdisciplinaire» (épithète qui semblait l’exalter) sur «les mutilations sexuelles rituelles, l’excision et la circoncision», mettant sur un pied d’égalité la pratique barbare qui consiste à retirer aux jeunes filles leur clitoris et la pratique religieuse ou hygiénique, inoffensive, de la circoncision. Inspiré par sa fantaisie et son aveuglement, Segal parvenait même à travestir l’interprétation de Maïmonide dans Le Guide des Égarés pour affirmer que la circoncision avait pour ambition de réduire le plaisir génital des garçons. Un égarement de plus. Non, Monsieur Segal, les circoncis ne sont point démunis de plaisir sexuel. En qualité de circoncis, je puis vous rassurer sur le sujet. Et je ne saurais l’affirmer davantage sans la crainte de sombrer dans une pitoyable compétition de vestiaire. Je n’ai jamais entendu une femme excisée tenir un discours similaire sur sa transformation physique. Et pour cause, lorsque l’on sait à quel point l’excision brise un corps et déchire une âme. Dans la Bible, Dieu dit en effet à Abraham de circoncire son fils, et le fait entrer dans un monde culturel et non plus simplement naturel. On ne fera pas offense à ceux qui le savent de rappeler que ce passage d’importance va de pair avec le changement de nom de l’épouse d’Abraham, renommée Sarah («la princesse»), rétablissant dans le couple un équilibre des libertés et des pouvoirs conjugaux, et que la circoncision a souvent été interprétée comme l’instauration d’une égalité homme-femme. Même équité sur le plan de la filiation. Dans la religion juive, la maman transmet la judéité aux enfants. Au sein de ce système matriarcal, la circoncision permet au père de transmettre lui aussi quelque chose : son nom et le symbole de sa chair. Avec la circoncision, le père met aussi l’enfant au monde. La petite fille ne reçoit aucun rituel de ce genre puisque son sexe lui donne déjà, dans la pensée juive, le pouvoir de transmettre la religion. Il n’y a nulle misogynie dans ce système où patriarcat et matriarcat apparaissent comme des éléments consubstantiels Aussi, je ne ferai pas à Monsieur Segal le plaisir de l’accuser d’antisémitisme et d’islamophobie, il s’érigerait en briseur de tabou victime d’une cabale. Ce dont je l’accuse, c’est de haïr la valeur symbolique des rituels, une dimension que hait tout autant l’économie libérale. Les discours anti-circoncision se multiplient, sous l’impulsion de diverses associations procédurières, commissions et lobbys. Et tous consistent à expliquer aux Sémites comment s’y prendre s’ils veulent enfin quitter leur Moyen-Âge de misère. Mêmes leçons de modernité au moment du débat sur la viande hallal où François Fillon proposait de réformer les règles alimentaires, niant à ce titre le principe de non-ingérence de l’État dans les affaires religieuses. Ces conseillers en bien-vivre-en-occident s’étaient faits un temps amis des animaux, alors même qu’ils ne s’étaient jamais émus des tortures infâmes que l’industrie alimentaire impose aux bovins du matin au soir. Non, chers amis progressistes, le temps symbolique ne vous appartient pas.


Enfin, sous couvert de droit européen, Segal demande à ce qu’on ne touche plus au prépuce d’un enfant sans qu’il ait donné son avis. Doit-on rappeler à Monsieur Segal que les parents, par principe, ne cessent d’imprimer le corps et le cœur de leur enfant ? Ils lui donnent son nom, des convictions politiques, une langue, des valeurs, ils l’habillent, lui percent les oreilles. L’enfant devrait-il désormais choisir son prénom et sa langue à la majorité en même temps que son sexe et son pseudo twitter? Ce fantasme de l’individu mondial sans aucune empreinte culturelle, l’économie libérale, et la pensée mainstream en rêvent. L’homme pur. Le tas de chair. Voilà quelque chose de libre, en effet ! Il reste que la liberté individuelle ne se construit guère sur du vide, elle se construit sur du plein, sur de la cicatrice, sur des impressions, sur de la mémoire, il n’est que de voir la multiplication des quêtes identitaires dans le monde d’aujourd’hui pour s’en rendre compte. «Difficile liberté» disait Levinas. Belle liberté de s’inventer sur la mémoire du corps et non sur le néant du décor.



Mathias Alcalaï – liberation.fr – 24/09/2014



Article 222 est publié par l'Association contre la Mutilation des Enfants

AME BP 220, 92108 Boulogne cedex – 4ème trimestre 2014




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