ARTICLE 222

Journal pour les Droits de l'Enfant

 

 

 

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N°43                                                                         3e trimestre 2010

 

 




Conférence contre la circoncision féminine

Mairie de Paris

Mars 2010


Louisiane Doré, Gérard Zwang et Pierre Foldès





Où un homme engagé reconstruit le clitoris des femmes excisées

Le docteur Pierre Foldès travaille au vieil hôpital royal de St-Germain-en-Laye, tout au bout de la ligne A du RER. Collègue et mentor d'Odile Buisson, cet anatomiste et chirurgien, primé par l'Académie de médecine, reconstruit, depuis 20 ans, des clitoris de femmes excisées. Dans son étroit bureau, on voit deux portraits, Gandhi et Mère Teresa. Pierre Foldès est un humanitaire. Il a soigné les réfugiés khmers en Thaïlande, formé des chirurgiens en Erythrée et pendant le siège de Sarajevo. Ce grand homme bourru, au regard triste, a mis au point le protocole chirurgical qui redonne du plaisir aux femmes mutilées. Il l'a pratiqué au Mali, au Burkina-Faso, malgré les critiques, le sacrilège, les superstitions – car les Bambara traditionalistes croient que le clitoris est un dard venimeux, et les Mossi du Burkina pensent qu'il va tuer l'enfant à naître. Ce saint homme a déjà opéré 3000 femmes excisées. Lui aussi se fâche dès qu'on lui parle des recherches sur la sexualité féminine. «Quand je suis retourné en France pour soigner les mutilations sexuelles, j'ai été ahuri que cela n'ait jamais été tenté. La bibliographie médicale nous dit la vérité sur notre mépris des femmes. Depuis trois siècles, on trouve des milliers de références à la chirurgie du pénis, rien sur le clitoris, hormis quelques cancers ou en dermatologie. Et rien pour lui rendre sa sensibilité. L'existence même d'un organe du plaisir est niée, médicalement. Aujourd'hui, si vous consultez les livres d'anatomie que tous les chirurgiens possèdent, vous aurez deux pages dessus. Il existe une véritable excision intellectuelle.» Pierre Foldès exagère-t-il ? Depuis les années 1970, les féministes et les sexologues ont beaucoup parlé de l'importance érogène du clitoris, engagé de grands débats sur la jouissance des femmes, popularisé le point G, et l'aide conjugale s'est développée. Cependant, il a fallu attendre 1998 pour que la chirurgienne du Royal Melbourne Hospital, Helen O'Connor, démontre que toute l'anatomie admise du clitoris, remontant à la fin du XIXe siècle, était erronée. Il était décrit comme un court pénis. Cette ignorance se perpétue aujourd'hui. Quand, entre 2007 et 2010, Pierre Foldès et Odile Buisson travaillent à une sonographie d'un clitoris stimulé, ils n'obtiennent aucun financement. Ils sont obligés de bricoler. Odile Buisson se souvient: «Nous avons dû travailler sans scanner, sans matériel, en bidouillant l'échographe et en utilisant des Tampax. C'est lamentable!»

Le Monde - 6 Mai 2010



REVUE DE PRESSE


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La police devra-t-elle bientôt traquer la circoncision rituelle?

Les salles d'audience ont parfois des allures d'arène où se délocalisent - souvent - les débats de société: ainsi, il y a un an, devant le tribunal de Lille. Un médecin n'étant pas inscrit au Conseil de l'ordre comparaissait pour exercice illégal de la médecine et blessures involontaires. En janvier 2006, Mazen M., un Syrien formé notamment en Algérie, avait pratiqué une circoncision rituelle sur un enfant de 15 jours, de Tourcoing. Le petit avait ensuite été hospitalisé d'urgence. « À 30 minutes près, il était mort », souligne sombrement Abderrahmane Hammouch, l'avocat de la famille. Quelques semaines plus tard, le médecin était... relaxé. Le tribunal suivait d'ailleurs en cela les réquisitions du procureur : la circoncision étant une « pratique coutumière » et non un acte médical, il n'y avait pas eu exercice illégal de la médecine, etc. Quelques semaines plus tard, Philippe Fèvre, le nouveau procureur de la République de Lille, s'empressait... de faire appel. Hier, Mazen M., épaulé de son avocate Florence Meilhac, repartait sur un flot d'explications. À quoi correspond la circoncision ? Qui peut la pratiquer ? « Il y a tolérance coutumière du droit français en raison du fait religieux !, ne cessera de marteler Florence Meihlac. On n'a jamais vu un rabbin, un parent ou un pratiquant musulman être traîné devant des juges pour avoir pratiqué une circoncision ! D'ailleurs, le geste médical n'est pas celui pratiqué pour l'acte rituel... » Au passage, Florence Meilhac s'emportera contre le témoignage du responsable d'une importante mosquée lilloise, selon lequel «la circoncision se pratique, de manière générale, en milieu hospitalier, sans remboursement de la Sécurité sociale, ou lors de vacances au pays!». « Nous savons tous qu'il y a un nombre très important de circoncisions dues à des raisons religieuses en France et que des hommes comme mon client sont très sollicités», justifie l'avocate. Sans surprise, l'opinion de l'avocat général, Patrick Leleu, est aux antipodes. Qu'il s'agisse de soins ou de rituel, la circoncision est, pour lui, «un acte chirurgical ne pouvant être pratiqué que par un médecin reconnu». Qui passera outre cette règle franchira également «la ligne jaune» et s'exposera à des poursuites. Et le magistrat de requérir huit mois de prison avec sursis et un an d'interdiction d'exercice de la médecine. Décision dans quelques semaines.

lavoixdunord.fr - 05/05/10


Circoncision ratée: le bébé hospitalisé en urgence


Le 20 janvier 2006, Ahmed X., un bébé âgé de quinze jours, a failli mourir d'une circoncision ratée. Mais, pour la justice lilloise, il ne s'est rien passé! L'affaire est passée en appel à Douai:

Hier, à la Cour d'appel de Douai devant le président Jean-Baptiste Avel, Mazen M., 55 ans, Français mais originaire de Syrie, répond directement qu'il est médecin. En réalité, c'est faux : il n'est pas médecin, il n'a pas passé les équivalences permettant de valider ses diplômes algériens, il n'est pas inscrit à l'ordre des médecins en France. Il faut de longues tergiversations pour que le prévenu soit net avec le président : il n'est pas autorisé à exercer la médecine, encore moins la chirurgie. Des «réponses d'autant plus inquiétantes», pour reprendre les termes de l'avocat général Patrick Leleu, que Mazen M., qui travaille dans un hôpital à Cherbourg, répète que c'est dans un établissement hospitalier qu'on attrape des infections, qu'un simple coiffeur ou une grand-mère expérimentée «fait ça très bien chez nous». Le président Avel s'étonne : «Chez nous ?». Réponse du prévenu : «En Algérie ou en Syrie».
«Chez nous», à Tourcoing, voilà ce qui s'est passé. Les parents X. sont désireux de faire pratiquer la circoncision rituelle qu'ils estiment nécessaire pour un bon musulman. Ils s'adressent à Mazen M. qui leur est recommandé par une mosquée. «Les parents étaient sûrs que le prévenu était un médecin pratiquant en France et qu'il avait les autorisations nécessaires» affirme Me Abderrahmane Hammouch. Mazen M. pratique couramment des circoncisions qu'il fait payer environ 150 euros. Tous les «clients» retrouvés et interrogés par la police expliquent que Mazen M. se présentait bien comme médecin.
Dans la salle à manger du modeste logis de Tourcoing, Ahmed X. opère ainsi dans l'après-midi du 19 janvier. «L'opération s'est bien passée» commente le prévenu. Sauf que le bébé se vide doucement de son sang. Le prévenu, le lendemain, aurait conseillé l'hospitalisation. Les parents disent le contraire. Finalement, le père emmène à toute vitesse le bébé, vers 23 h, aux urgences du CHR : on sauve de justesse Ahmed qui ne bougeait déjà plus. Les deux experts légistes rédigent un rapport accablant pour Mazen M. «Ils ont été bien sévères» relativise le prévenu.
Pour l'avocat général Leleu, le jugement lillois est «incompréhensible.» Le magistrat réclame 8 mois de prison avec sursis et l'interdiction d'exercer une activité en rapport avec la médecine pendant un an. Me Florence Meilhac soutient évidemment la relaxe qu'elle a obtenue avec brio à Lille : «C'est un rituel toléré, cela n'a rien à voir avec une activité médicale, il n'y a pas eu de négligences».
Décision le 25 juin.

Le Point de vue de Maître Abderrhamane Hammouch:

Un bébé a droit à toute notre protection et on ne peut pas faire n'importe quoi avec lui. Il a quinze jours, il est incapable de se défendre. Or, qu'on le veuille ou non, le prévenu réalise bien un acte chirurgical, en dehors du cadre hospitalier, avec des précautions tout à fait insuffisantes, sans suivi réel. Tout cela est strictement interdit. À aucun moment, je ne vois dans la législation française qu'un tel acte est toléré et encore plus qu'il serait possible en dehors d'un établissement hospitalier! Le prévenu nous répond que d'habitude ça se passe bien, qu'il a l'expérience! Est-ce qu'on va attendre qu'un bébé meure pour s'inquiéter! On ne peut répondre à la mère et au père de cet enfant qu'il ne s'est rien passé de répréhensible!

nordeclair.fr - 05/05/10

Docteur en charcuterie

Découper un prépuce est-il un acte religieux ou médical? C'est la question que s'est posée le tribunal de Lille en jugeant Mazen M., un médecin (non inscrit au Conseil de l'ordre), pour exercice illégal de la médecine et blessures involontaires. En 2006, il avait pratiqué une circoncision rituelle sur un enfant de 15 jours, en le laissant dans un état si déplorable que le gosse a dû être hospitalisé d'urgence et qu'à 30 minutes près il était mort, à en croire l'avocat de la famille. 8 mois de prison avec sursis et 1 an d'interdiction d'exercice de la médecine ont été requis contre Mazen M., et on attend la décision d'ici quelques semaines. Mais à mon avis, la logique impose d'aller encore plus loin. Si l'on considère que la circoncision est un acte médical, condamnons les imams et les rabbins pour exercice illégal de la médecine. Et si on la voit comme un acte religieux, condamnons les médecins qui détournent l'argent de la Sécu en faisant rembourser cette opération. En tout état de cause, on pourrait juger tous ces charcutiers, diplômés ou non, pour acte de barbarie à l'encontre d'un bébé qui n'a rien demandé.

Antonio Fischetti – Charlie Hebdo - 19/05/10

Circoncision: tergiversations judiciaires autour de la mise en danger d'un bébé

La justice a de nouveau relaxé, hier, un homme jugé pour une circoncision presque mortelle... Comme le tribunal de Lille en 2009, la cour d'appel de Douai n'a rien retenu, hier, contre Mazen M, 54 ans, qui, en 2006, avait pratiqué, à domicile, une circoncision rituelle sur un bébé de 15 jours. Le petit avait dû être hospitalisé. «À une demi-heure près, il était mort», rappelle Abderrahmane Hammouch, l'avocat des parents. À Lille comme à Douai, la version de Mazen M ne change pas. Il a «expliqué les précautions à prendre aux parents». Le fond du dossier s'est cependant rapidement déplacé. Mazen M était attaqué pour pratique illégale de la médecine. L'homme n'est pas inscrit au Conseil de l'Ordre. En même temps, titulaire de diplômes étrangers, il officie... dans des hôpitaux de régions enclavées. Des hôpitaux français.

L'autre question tourne autour de la circoncision elle-même. S'agit-il d'un acte médical ou purement rituel? Dans le cas où la seule motivation confessionnelle serait retenue, est-il pour autant concevable d'attaquer la chair d'un individu (ici, un bébé) avec de possibles conséquences pour sa santé? À Lille, les débats avaient été âpres entre le parquet et le président Gérard Flamant pour qui : «En France, la circoncision est un acte médical et uniquement dans un cadre thérapeutique. La loi ne prévoit pas que la circoncision puisse être pratiquée pour d'autres raisons, y compris religieuses. On ne peut que constater une espèce de tolérance.» Évoquant une «pratique coutumière non assimilable à un acte médical», le procureur Créon avait requis la relaxe. À peine nommé, son supérieur, Frédéric Fèvre fera appel... de ladite relaxe. À Douai, la position de l'avocat général Patrick Leleu sera aux antipodes de celle de son collègue lillois.

La réaction de Florence Meilhac, l'avocate de Mazen M: «Il y a tolérance coutumière du droit français en raison du fait religieux! On n'a jamais vu un rabbin, un parent ou un pratiquant musulman être traîné devant des juges pour avoir pratiqué une circoncision! D'ailleurs, le geste médical n'est pas celui pratiqué pour l'acte rituel ...» La suite est connue. Pour la famille du bébé, Abderrahmane Hammouch espère dorénavant convaincre le procureur général de se pourvoir en cassation.

La Voix du Nord - 16/06/10

L'auteur de la circoncision ratée de Tourcoing relaxé

Un bébé, le 20 janvier dernier, avait pourtant failli mourir.
Les motivations écrites du président Jean-Baptiste Avel, quand elles seront connues, seront examinées attentivement car la position de la cour d'appel peut sembler effectivement étonnante. D'ailleurs, le 5 mai dernier, lors de l'examen de l'affaire à Douai, l'avocat général Patrick Leleu l'avait déclaré d'entrée de jeu : «Le jugement de Lille, qui relaxe, est incompréhensible».
De quoi s'agit-il ? Mazen M, 55 ans, qui affirme avoir des diplômes algériens mais dont la qualité de médecin n'est pas reconnue en France, pratique des circoncisions sur des bébés en dehors de tout cadre hospitalier, pour une somme de 150 euros.


Un bébé de quinze jours avait donc été circoncis dans l'après-midi du 19 janvier 2006 par Mazen M. L'opération est effectuée dans la salle à manger d'un modeste logis tourquennois.Problème : l'enfant ne cicatrise pas, perd son sang petit à petit et devient de plus en plus léthargique. Le lendemain, le père, sentant que son bébé va passer de vie à trépas, le conduit au CHR de Lille. On le sauve in extremis, les experts sont d'accord là-dessus. L'affaire est signalée, les parents portent plainte.


La position de Me Florence Meilhac, qui défend Mazen M, l'emporte à Lille : pour l'avocate, il s'agit d'un rituel toléré qui n'a rien à voir avec la médecine.
En revanche Me Abderrhamane Hammouch, pour les parents, se scandalise : «Des parents se placent sous la protection des lois de la République parce que leur bébé a failli mourir et on leur dit qu'il ne s'est rien passé! C'est incompréhensible!» À Lille dans un premier temps, à Douai hier, Mazen M, a donc été innocenté des incriminations de «blessures involontaires» et «exercice illégal de la médecine».
Espérons qu'on n'aura pas bientôt à reparler de cette position de la justice quand un bébé décédera des suites d'une circoncision ratée sur une table de cuisine...

Nord-Eclair - 16/06/10

Circoncision en Afrique du Sud: 33 tués

33 adolescents sud-africains ont été tués depuis le début de la saison des circoncisions rituelles, un rite qui marque le passage à l'âge adulte pour les xhosas du sud du pays, a indiqué aujourd'hui un responsable sanitaire.
Tous les décès ont eu lieu au cours des deux derniers mois dans la province pauvre de l'Eastern Cape, qui organise deux fois par an des cérémonies d'initiation, au cours desquelles les garçons sont circoncis dans le bush par des guérisseurs traditionnels.

Le dernier décès est survenu aujourd'hui dans le village de Moyeni, où les autorités s'étaient rendues récemment pour mettre en garde contre les dangers de cette pratique.
«Lors de notre visite la semaine dernière, les villageois ont caché les garçons. Et maintenant, ils nous appellent pour nous dire que l'un d'eux est mort», a déclaré Sizwe Kupelo, porte-parole des autorités sanitaires provinciales. «C'est décourageant: on aurait pu sauver ce garçon», a-t-il ajouté dans un entretien avec l'agence de presse Sapa. Des dizaines de garçons ont été également souffert de gangrène au pénis et ont dû être amputés, a précisé le porte-parole.
Les rites d'initiation - auxquels la majorité se plie par peur d'être rejetée par le groupe - ont fait 200 morts en 15 ans dans la région, malgré les efforts des autorités pour tenter d'inculquer quelques règles d'hygiène aux guérisseurs traditionnels. Le bilan lourd de cette année a poussé les leaders traditionnels à prononcer un moratoire sur les circoncisions rituelles dans certaines zones de la province.

afp.fr - 24/06/10

On l'asseoit sur un couteau

Désigne, en Afrique, en langue Bambara «l’excisée». La vie de Waris Dirie, actuellement sur les écrans dans Fleur du désert, film de Sherry Hormann, éclaire le sujet, avec la violence qu’il faut. Si le film m’est apparu inégal et très moyen, son propos est fort! Enfuie de Somalie, pour échapper à un mariage forcé, excisée à 3 ans, la scène porte le film, Waris émigre en Angleterre, vit comme la plus pauvre des pauvres, devient mannequin (ici, c’est le côté Cendrillon), révèle son histoire avant de se faire, aux Nations-Unies, la porte-parole des luttes contre de telles «traditions».

Je reviens, pour ma part, du Mali, avec dans mes bagages, le chagrin des filles d’Afrique, car, dans ce pays, encore - aujourd’hui comme hier, l’excision porte beau… 150 millions de femmes, dont une grande partie en Afrique de l’Ouest, en sont actuellement victimes (une fille sur deux en Côte-d’Ivoire, par exemple). Les couteaux de l’exciseuse continuent de rôder, et pas seulement dans les villages reculés! On mesure mal, semble-t-il, l’évolution de la pratique, puisque l’Afrique, schizophrène, oscille sans cesse entre les législations fermes des institutions (beaucoup de femmes sont au nombre des parlementaires) et le poids, lourd, des traditions. L’Égypte punit l’excision, «sauf nécessité médicale»; en Ouganda, un médecin qui s’y livre sera interdit d’exercice; elle est sévèrement pénalisée au Burkina, au point que les fillettes sont «exportées» en pays Dogon, au Mali, où les lois plus floues ou plus laxistes s’appliquent mal. On vient donc, à dos d’âne ou en moto, faire exciser sa fille dans le pays voisin, comme chez nous, avant l’IVG, quand on allait en Suisse! Ablation du clitoris, des petites et des grandes lèvres; atroce introcision qui élargit l’orifice vaginal avec un silex, replie le clitoris à l’intérieur et recoud…, scène insoutenable de la petite fille, hurlant, dans Fleur du désert. Conséquences terribles, en termes de douleurs, maladies, mort parfois, difficultés lors des accouchements; quid du plaisir sexuel évidemment! Regard sur soi, femme à jamais rabattue, figée, petite fille terrorisée autour de la puberté, avant le mariage précoce et souvent arrangé.

Tradition venue des tréfonds du monde, «justifiée» par le mythe du «vagin denté» (le clitoris serait la dernière dent); histoire volant, dans toute l’Afrique, des murs de Djenné au pied du mont Kenya. Pratique éminemment plus culturelle que religieuse (comme d’autres coutumes, d’ailleurs). J’en veux pour preuves un symposium récent à Abidjan, consacré aux mutilations génitales féminines, au cours duquel les dignitaires religieux, d’un seul élan, ont stigmatisé cette pratique. Rite «de passage», évidemment, entre enfance et âge adulte; argumentaire à manier avec les plus grandes précautions, cependant, quand on sait que certaines intellectuelles africaines s’en saisissent pour cautionner, sous prétexte d’initiation, la coutume… (L’excision n’est donc pas synonyme d’analphabétisme, dans tous les cas). De même que chez nous, mais c’est daté, (surtout la période «tiers-mondiste» des soixante-huitards), des voix se sont tues devant ces «traditions intouchables», parce que partie intégrante d’une culture qu’on voulait respecter à tout prix! Je le dis d’autant que j’en ai connu plus d’un pour penser ainsi, il y a bien 30 ans, et que sans doute, j’hésitais alors, dans d’infinies palabres, entre étudiants ou enseignants, buvant notre thé à la menthe, à l’abri de nos foulards indiens. La crainte de jouer au donneur de leçon blanc hantait nos mentalités; mais, c’était il y a longtemps; le monde a grandi!

Depuis, les femmes, mais aussi tant d’hommes, ont, en Afrique, «marché» et lutté, depuis plus longtemps qu’on ne le croit — l’après-guerre et la décolonisation par exemple. La Somalie du film reste encore farouchement «excisioniste», mais, ailleurs, ça bouge! Au Kenya, l’ethnie Meru n’est-elle pas allée jusqu’à substituer «une excision par la parole» à l’opération? Des femmes de 60 villages (Sénégal, Mali) viennent d’abolir l’excision, soutenues par l’Unicef; une ONG (Tostan) annonce que sur 5000 communautés la pratiquant en Afrique de l’Ouest, en 1997, un tiers l’a abandonnée 10 ans plus tard. Une Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant suit son chemin, parallèlement aux progrès de la scolarisation des filles. J’ai vu, dans les classes, en effet, pas mal de «petites», dans mon périple en pays Dogon de cet hiver. Mais aussi, pensons à l’école pour les garçons eux-mêmes, qui sont légion à fréquenter des «non excisées»; limite des fausses «bonnes nouvelles», l’excision étant souvent vue comme la garantie de la fidélité et une protection contre le Sida… C’est là que j’en vois qui sourient à me lire, un peu condescendant: «Quelle naïveté! Les institutions! Les religieux! Les textes! Elle prend tout au pied de la lettre, elle fait confiance! Tous ces leurres!» et, de secouer la tête, un rien agacée. C’est peut-être, en effet, cette si longue fréquentation, par mon métier, des enfants; mais, je crédite beaucoup les signaux, les symboles, et là, ce n’est pas ce qui manque!

Une nouvelle génération se lève; de l’espoir, donc; elle est instruite, lectrice des grands textes universels — Convention des droits de l’enfant, en 1989, seulement! Écrits posant la femme, ses droits, sa dignité. En miroir me vient la comparaison avec notre Déclaration des droits de l’homme de 1789, semée, partout dans l’Europe archaïque et enchaînée, par les armées napoléoniennes; lu comme le principe «du droit des peuples à disposer d’eux- mêmes», qui a fait éclore le printemps de 1848 et les révoltes des nationalités… Qui sème le grain récolte aussi la liberté (encore en miroir dans La Déclaration Universelle de 1948).

Il y a fort à penser, donc, que l’excision sera peu à peu abandonnée par les Africains eux-mêmes, sous les pressions croisées et complexes des influences inter-régionales, internationales aussi, des déplacements de plus en plus fréquents des Africains sous d’autres latitudes, des imprégnations, échanges, qui sont la face claire de la mondialisation, du tourisme solidaire et de tout l’humanitaire; bref, de tout ce qui nous fait marcher vers l’«ensemble». Et, s’il est vrai que la rapidité, parfois brutale, avec laquelle, nous, occidentaux, avons pu projeter nos points de vue pour régler leurs comptes aux traditions africaines, a été souvent contre-productive, il n’empêche que demeurer dans «La béatitude du Bobo» peut l’être autant, sinon davantage. Voulez-vous, en guise de conclusion, écouter Élisabeth Badinter, posant une problématique toute simple, et pourtant si riche: quand une tradition rencontre l’obstacle des droits universels de l’Homme, le chemin est-il le soutien de ce qui nous rassemble, tous et toutes, ou bien faut-il laisser la préséance aux particularismes barbares? Pour la petite fille malienne qui doit danser, folle de douleur après l’opération, mais aussi pour le jeune garçon, circoncis à 15 ans dans la grotte de Songho, dansant, lui aussi, en transes, sous l’effet de l’alcool et de la musique obsédante des percussions réservées à cet usage, pour eux - et pour nous tous - le chemin est-il encore long?

Martine Petauton – lemonde.fr - 06/04/10


Des médecins en faveur de la circoncision féminine

Le Collège australien des obstétriciens et des gynécologues envisage d’accorder son soutien à une certaine forme de circoncision qui serait moins extrême que l’ablation clitoridienne rituelle.

La circoncision féminine est interdite en Australie, mais le secrétaire du Collège des obstétriciens et des gynécologues, Gino Pecoraro, se dit inquiet parce que cette pratique d’excision s’effectue à l’étranger dans des conditions douteuses qui peuvent avoir de graves conséquences : «Personne n’admet cette pratique, personne ne veut légitimer cette pratique, nous essayons de trouver le moyen de minimiser le mal.» Une logique réfutée en bloc par la Commissaire à l’égalité des droits de l’État du Victoria, Helen Stock, pour qui il s’agit d’une mutilation génitale : «Je ne pense pas qu’un compromis de procédure chirurgicale est une réponse appropriée à une telle violation majeure des droits humains.»

24hdanslepacifique.com - 06/06/10

Swedish doctors won't do circumcisions

Doctors in western Sweden say they refuse to perform circumcisions, as they say they must perform other medical procedures that have greater priority. The medical profession in the Vastra Gotaland region is obligated to provide circumcisions for approximately 300 Jewish and Muslim patients each year, the Goteborgs-Posten reported Thursday. «Now we have to go out and find someone who is willing to perform the operations. The doctors' sector council has said no to these procedures. We respect the doctors' position» said the head of the region's health care committee, Lars-Goran Moberg. «We have deprioritized (circumcision) to help sick children, such as (by providing) surgery on tight foreskins for medical reasons. And obviously we cannot carry out these operations without sacrificing something else» pediatric surgeon John Westfelt said.

upi.com – 29/04/10

 

Pendant que les profs sont poignardés, l’Union européenne veut interdire la fessée!

Pendant que des enseignants sont, toutes les semaines, agressés, et même souvent poignardés, le Conseil de l’Europe débat gravement de l’interdiction de la fessée. C’est grotesque. Ce «débat» complètement à côté des problèmes importants, est promu par ces associations droits-de-l’hommistes qui contribuent activement au désastre sociétal que nous vivons. Les associations qui prétendent défendre les droits des enfants, se désintéressent complètement de la circoncision. J’ai plusieurs fois écrit, notamment à Amnesty International (à l’occasion d’une campagne contre l’excision), à la Ligue des Droits de l’Homme et à d’autres, que, quelques soient les prétextes religieux invoqués, cette coutume barbare et archaïque devrait être interdite. Si à 18 ans les hommes veulent toujours se faire circoncire, ou tatouer, ou percés de multiples façons, ils le pourront toujours (mais pas aux frais de la Sécurité Sociale!). A 8 jours ou à 13 ans, c’est une insupportable atteinte à l’intégrité corporelle. C’est un «marquage» communautariste, comparable à celui des bestiaux. Mes différentes lettres n’ont jamais reçu la moindre réponse, même de courtoisie, du genre: «Nous étudierons votre question», ou bien «Nous l’avons étudiée et nous avons décidé ainsi, pour telle raison», ce qui aurait au moins le mérite de la clarté.

Bruno Courcelle, professeur à l'université de Bordeaux et membre de l’Institut Universitaire de France.

ripostelaique.com - 03/05/10

 

Michel Onfray: Le freudisme est une immense hallucination collective

Amateurs de nuances, passez votre chemin: la «psycho-biographie» que Michel Onfray consacre à Freud est un vrai chantier de démolition. La haute figure paternelle de la psychanalyse est ici mise en pièces, pulvérisée. Freud serait un émancipateur de pacotille. Un conservateur obscurantiste qu’on aurait faussement présenté comme un homme des Lumières. Un faussaire qui prétendait fonder une science, mais qui a inventé une nouvelle religion asservissante. Un penseur dont l’œuvre, en définitive, ne serait rien d’autre que la mise en forme de ses désirs, de ses fantasmes, de ses névroses personnelles. On notera que cette thèse n’est pas de première fraîcheur: «La prétendue analyse scientifique de l’homme que Freud croyait avoir entreprise est à peine plus qu’un essai autobiographique», écrivait déjà le psychologue britannique Hans J. Eysenck dans un ouvrage de 1985.

«Le crépuscule d’une idole» se présente comme une lecture nietzschéenne de Freud. Qu’entendez-vous par là? Dans la préface au Gai savoir, Nietzsche nous dit qu’il n’y a pas de philosophie sans philosophe, et pas de philosophe sans l’autobiographie qui l’accompagne. J’essaie donc de montrer que la grande aventure psychanalytique a d’abord été une grande aventure autobiographique pour Freud. Je n’imaginais pas, en commençant de travailler sur lui, que je découvrirais ce que j’ai découvert: Freud et le freudisme me sont apparus comme une immense hallucination collective.

Vous avez été vous-même la victime de cette hallucination? Oui, j’ai moi-même succombé à la légende freudienne, mais assez vaguement. J’avais étudié Freud quand j’étais élève en terminale, puis à l’université. Et je lui ai moi-même consacré des cours au lycée parce qu’il était inscrit au programme. Mais là, après avoir lu 6000 pages de Freud et autant sur Freud, j’ai découvert tout ce que cette œuvre contient comme approximations, mensonges et affabulations. J’ai donc travaillé comme je l’avais fait pour mon Traité d’athéologie. En déconstruisant les mythes et les fictions. En montrant où fonctionne la croyance plutôt que l’intelligence.

Vous qui avez précisément écrit le «Traité d’athéologie», vous surprenez en développant une critique aussi radicale d’un penseur athée: Freud était-il un faux athée? Non, mais j’essaie de montrer que l’athéisme n’a rien à voir avec les problèmes personnels qui sont les siens. Freud, qui a été obsédé par le complexe d’œdipe, qui voulait coucher avec sa mère et détruire son père, se trouvait normalement porté à l’athéisme dans la mesure où Dieu, pour lui, s’identifie vraiment à la figure du père. Mais l’athéisme n’est pas que l’affaire de Dieu; c’est aussi une affaire de religion. On peut très bien croire et ne souscrire à aucune religion. Tout comme on peut aussi créer une religion sans souscrire à l’idée de Dieu, ce qui est un peu le cas de Freud. La religion, c’est un arrière-monde qui donne un sens à ce monde-ci. Or, chez Freud, l’inconscient est vraiment un arrière-monde: c’est quelque chose d’insaisissable, de mouvant, d’impossible à définir... Et toute la vérité de la psychanalyse repose sur la croyance à cette chose étonnante.

Si le freudisme est une religion, qu’est-ce qui a séduit ses adeptes? Elle a marché parce que Freud propose une vision du monde qui met la sexualité au centre de tout, alors que le judéo-christianisme l’a évincée. Cela fait vingt siècles que la sexualité est le non-dit de notre aventure humaine. Alors que là, d’un coup, Freud nous dit qu’il n’y aurait que de la sexualité, des coucheries, des masturbations, etc... L’idée d’une sexualité qui ferait la loi de tout un chacun dans un monde où elle a été longtemps réprimée, cela peut en effet séduire. Mais la psychanalyse s’est aussi organisée comme une religion parce que Freud l’a voulu ainsi. Son disciple Ernest Jones a écrit sa biographie sur le principe christique d’une espèce de naissance miraculeuse, avec une enfance géniale, une découverte extraordinaire et un aspect thaumaturgique puisque Freud soignait et guérissait... Comme le christianisme, cette religion a eu ses évangélistes qui ont porté la bonne parole. Et même des Judas, qu’il s’agisse de Carl Gustav Jung ou d’Alfred Adler.

A propos de la psychanalyse, vous écrivez qu’elle «soigne dans la stricte limite de l’effet placebo». A ce moment-là, vous vous écartez de votre critique philosophique pour porter un jugement thérapeutique... Je constate simplement que Freud a écrit un livre intitulé Cinq psychanalyses dans lequel il décrit différents cas: Dora, le Petit Hans, l’Homme aux loups, etc. Et il affirme qu’il les a tous guéris. Mais quand vous faites de l’histoire et que vous allez voir ce qu’il est advenu de ces gens-là, vous vous apercevez qu’ils n’ont pas été guéris du tout. Il arrive que des gens trouvent ma critique infondée et me disent que, dans leur cas, la psychanalyse les a sauvés. Je leur réponds que je ne nie pas qu’elle puisse guérir un certain nombre de personnes. Mais j’observe aussi qu’il y a toujours, dans toute proposition thérapeutique, des gens qui disent guérir. Et cela vaut pour le magnétisme comme pour la radiesthésie ou la sorcellerie. Lorsque je vois les béquilles accrochées à la grotte de Lourdes, je me dis, même sans être croyant, que des gens ont bien dû être guéris par le simple fait de prier ou de boire un peu d’eau bénite. Mais ce n’est pas pour autant une preuve de l’existence de Dieu.

Pourquoi avoir intitulé votre livre «Le crépuscule d’une idole» alors que vous ne vous prononcez pas sur l’état de santé de la psychanalyse actuelle? C’est un fait, il y a de moins en moins de gens qui croient en la psychanalyse. Sur la totalité de la planète, seules la France et l’Argentine continuent à y souscrire. On est loin de l’époque où Freud était une idole. Il n’y a plus de vedettes comme Lacan, tout ça c’est fini. On assiste aujourd’hui à un délitement complet de la psychanalyse et il me paraît normal que des concepts comme l’inconscient soient appelés à disparaître. Dans des moments de lucidité, sur la fin de son existence, Freud le disait lui-même: il viendra un jour où la chimie permettra de résoudre les problèmes que la psychanalyse résolvait en son temps.

Vous écrivez qu’il est impossible de critiquer la psychanalyse sans être aussitôt accusé d’appartenir à la droite réactionnaire, voire à l’extrême droite. C’est en effet l’argument favori des gens qui ne veulent pas qu’on fasse une lecture critique et historique de la psychanalyse. Les défenseurs de Freud ne sont qu’une petite poignée et leurs arguments sont toujours les mêmes: antisémitisme, révisionnisme, extrême droite, etc. Il existe une espèce d’argument d’autorité selon lequel il faudrait s’interdire de critiquer n’importe quel Juif disant n’importe quelle sottise parce qu’il est Juif. Pour ma part, je ne prends pas en considération le fait que les gens soient Juifs ou non. Pas plus que je ne me fonde sur le fait qu’une personne soit de droite ou de gauche, croyante ou incroyante. Je suis athée, mais je préférerai toujours un croyant intelligent à un athée abruti. Moi, je lis les textes de Freud et je les commente. Mais je constate que ses défenseurs ne font pas comme moi: ils ne lisent pas des textes, mais défendent un catéchisme et l’accusation d’antisémitisme représente bien sûr leur arme suprême.

Vous vous attendez à des débats violents autour de votre livre? Non, il n’y aura pas de débats violents: il y aura des attaques violentes! Les défenseurs de Freud ne débattent pas. Ils insultent. Ils agressent. D'ailleurs, cela a déjà commencé. Les premières réactions critiques sont d’une hystérie qui ressemble à celle des croyants au moment de la réception de mon «Traité d'athéologie».

letemps.ch - 14/04/10



Article 222 est publié par l'Association contre la Mutilation des Enfants

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3e trimestre 2010