Article 222
Journal pour les Droits de l'Enfant
n° 23 - 1 euro 4ème trimestre 2001
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Le Docteur Zwang
et les laboratoires Théramex, suite.
Le 20 Février 1996 était organisé à Paris, un colloque sur les religions et la reproduction, sponsorisé par les laboratoires Schering et Théramex (notre journal n°10).
Fait rarissime dans les annales médicales, les organisateurs refusèrent de publier la communication de Gérard Zwang, en raison de ses arguments contre la circoncision.
Les commentaires du Professeur Sureau (président de l'institut Theramex), reproduits ci-dessous, sont d'une très grande prudence. Il ne condamne pas la censure exercée à l'encontre du Dr Zwang et refuse de comparer la circoncision féminine à la circoncision masculine.
Or cette dernière fait autant de morts et de blessés en Afrique que l'excision. Elle est pratiquée au sein du même rituel et par la même caste de circonciseurs. On estime à 10 000 le nombre de petites filles excisées chaque année en France et à 100 000 jeunes garçons, circoncis pour motif religieux ou pseudo médical.
L'Académie de Médecine pourrait lancer une vaste réflexion sur cette pratique exercée le plus souvent dans les hôpitaux publics sous couvert d'opération et remboursée à 100% par la Sécurité Sociale.
Aux USA, le chiffre d'affaires de la circoncision représente 400 millions de dollars par an. A l'opposé, le Royaume de Suède, pionnier dans la lutte contre l'excision, vient d'encadrer par un texte législatif la circoncision rituelle.
Qu'attendent les autorités sanitaires françaises pour prendre ce dossier enfin au sérieux ?
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Professeur Claude SUREAU
Membre et Ancien Président
de l'Académie Nationale de Médecine
Monsieur Maxime GUERIN
AME
B.P. 220
92108 BOULOGNE Cedex
Paris, le 18 juin 2001
Cher Monsieur,
Merci de votre lettre et des documents qui y étaient joints.
J'avais eu connaissance, en effet, de manière indirecte de cette censure qui avait opposé Monsieur Zwang aux organisateurs de la journée sur les relations entre les religions et la procréation.
N'étant pas dans la salle, car j'étais retenu par une autre réunion, lors de l'incident de séance qui avait opposé Monsieur Zwang et Monsieur Uzan, celui-ci m'a été rapporté et je dois vous dire franchement que, quelle que soit l'opinion que j'ai à titre strictement personnel concernant la circoncision masculine, je ne suis pas certain de l'opportunité d'ouvrir le débat sous l'angle que vous évoquez dans votre lettre.
Je n'ai pas la sensation qu'il faille assimiler la circoncision masculine et l'excision féminine, même si dans les deux cas il s'agit d'une forme de mutilation subie par des personnes qui n'ont pas exprimé leur consentement, et pour cause, les implications médicales, psychologiques et surtout sociales de l'une et de l'autre étant sans commune mesure.
Les propos de Monsieur Zwang lors de cette séance étaient amusants sous l'angle de la provocation, mais je ne crois vraiment pas qu'il soit opportun d'y faire référence dans le cadre de la lutte contre les mutilations génitales féminines.
Je pense même qu'une telle assimilation risquerait de rendre impossible toute efficacité d'action dans ce domaine.
En ce qui me concerne, je suis tout à fait disposé à continuer mon action contre les mutilations sexuelles féminines, mais décidé à me tenir à l'écart de toute prise de position concernant la circoncision masculine.
Je vous prie de croire à l'expression de tous mes meilleurs sentiments.
Professeur Cl. SUREAU
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Docteur Pierre JEHL Longchamp, le 17 juin 2001.
25, rue du Breuil
21110 Longchamp
M. le directeur du laboratoire
Glaxo Wellcome.
Monsieur,
J'ai découvert un site sur Internet réalisé avec la collaboration de votre laboratoire Glaxo Wellcome. Ce rapport non daté, laisse entendre clairement que la circoncision serait une méthode pour éviter l'infection par le VIH.
Or, ces études que vous qualifiez d'écologiques me paraissent inacceptables. Pourquoi voudriez-vous donner une valeur quelconque à cette étude ougandaise sur 415 cas ?
C'est comme si vous acceptiez de vous faire amputer les orteils sous prétexte de diminuer les champignons au pied. Vous prenez inconsciemment le parti des mutilateurs sexuels de tout poil. La fin de l'article est particulièrement éloquente à cet égard.
Comme vous devriez le savoir par la connaissance d'Internet, la circoncision est toujours une mutilation même si elle plaît beaucoup dans le monde médical pour des raisons financières. Les victimes de ce traumatisme physique et mental ont eux-mêmes tendance à reproduire ce traumatisme chez les autres même s'ils sont médecins et se sont engagés à ne pas nuire.
Je n'entre pas volontairement dans un conflit religieux car ce n'est pas l'objet du débat. Je me permets, pour éclairer votre information sur le sujet de vous conseiller la lecture d'un au moins des sites Internet suivants : «Infocirc» «Nocirc» «Noharmm» «In memory of sexually mutilated children». Un tel conseil de lecture vous évitera, j'en suis persuadé, d'être condamné, pour complicité de mutilations sexuelles. Que diriez-vous en effet, si une telle étude bidon concluait à la nécessité de pratiquer les circoncisions féminines type infibulations ? Je crois que vous seriez scandalisé.
D'autre part, une étude publiée aux Etats-Unis, dont je vous joins la première page, trouve sur 35 articles et de nombreux extraits publiés dans la littérature médicale, que la circoncision augmente au lieu de le diminuer le risque d'être contaminé par le VIH.
Enfin, je vous joins un article issu du journal «Afrique et santé» qui explique bien le risque pour l'Afrique.
Je demande donc aux responsables de votre laboratoire de prendre conscience de leur responsabilité dans cette affaire et je souhaite que vous m'informiez des mesures concrètes que vous prendrez pour éviter que cela ne se reproduise.
Je vous prie de croire, Monsieur le directeur, à l'assurance de ma considération distinguée.
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Revue de Presse
Circoncision : l'Afrique en danger
Médecins, psychologues et pédiatres s'accordent tous pour déclarer que la pratique de la circoncision représente un véritable danger à tous les niveaux et à tous les points de vue pour les populations africaines. Ils démentent formellement que la circoncision puisse avoir une quelconque valeur d'hygiène. Les raisons médicales avancées par ceux qui pratiquent la circoncision ne sont pas fondées scientifiquement.
C'est un acte sanglant et brutal, accompli avec une violence froide par les parents sur l'enfant au nom du rite et de la tradition avec une douleur très importante pour le bébé ou l'enfant qui dure au moins une semaine. Le prépuce est tiré et coupé, le frein est tranché, le gland est mis à nu, la muqueuse à vif. Car la peau du gland n'est pas formée ; elle met 8 à 15 jours à le faire, le temps de la cicatrisation. Il s'agit en fait d'une coupure, suivi d'un véritable écorchement. Il arrive parfois que l'hémorragie soit telle qu'il faille suturer les vaisseaux à l'hôpital, et même faire une transfusion sanguine. La cicatrisation est douloureuse, la verge est très enflammée, et chaque pipi brûle et réveille le bébé, de même que les compresses antiseptiques mises sur le gland pour éviter l'infection.
Selon les régions et les traditions locales la circoncision se pratique indifféremment sur un bébé, un enfant ou un adolescent, parfois même après la puberté, dans une atmosphère de fête et d'excitation collective. Dans certains villages d'Afrique, les adolescents qui refusent la circoncision sont exclus de la communauté et du village, la seule solution pour eux est alors de devenir fou (mort symbolique) ou de mourir de faim.
La circoncision est un acte social qui est à l'origine des conflits de générations. Par cet acte sanglant, le père, et à travers lui la communauté à laquelle l'enfant appartient, s'arroge, en marquant ainsi son fils pour la vie sans lui donner la possibilité de choix, et aussi en le faisant souffrir froidement et gratuitement, un droit de propriété inaliénable sur l'enfant, quasiment un droit de vie et de mort (au sens symbolique, mais aussi dans la réalité vu les risques d'hémorragies qu'il y a dans la circoncision). La circoncision en dehors de son contexte religieux, est une façon de considérer comme de vrais hommes ceux qui l'ont subie avec "succès" (c'est-à-dire sans mort ni peur de la souffrance).
La circoncision, c'est la rupture dramatique entre les parents et l'enfant. Pendant la période de la cicatrisation, on cache et on refoule la transformation des parents en gardes-malades, la rupture brutale d'un certain type de relation entre les parents et l'enfant (à la protection et à la douceur succède la violence froide), la culpabilité des parents plus ou moins consciente, et la mère qui essaye de calmer les cris de douleur du bébé par le sein ou le biberon qui tend à remplacer tout autre type de rapports : la relation au bébé se réduit à la relation obsédante à son sexe blessé.
Comment expliquer un tel secret ?Les adultes, et les parents aussi, hélas, pensent encore qu'un bébé ne sent rien, ne souffre pas et entendent d'une même oreille les pleurs banals, les pleurs de faim et les pleurs atroces d'une douleur intolérable : "c'est naturel qu'un bébé pleure" dit-on !En grandissant, inconsciemment l'enfant garde une profonde amertume, de l'hostilité et du ressentiment envers les parents qui lui ont imposé cette mutilation, cette amputation inutile et contre-nature.
Sur le plan social, la circoncision explique les difficultés de relation entre parents et enfants africains. La circoncision est une source de maladies et problèmes sexuels. La sexualité fait partie intégrante de la vie; par la circoncision, la sensibilité sexuelle de l'homme est considérablement altérée et diminuée.
Proportionnellement à cette diminution de la sensibilité et par effet de compensation, les besoins sexuels d'un circoncis sont excessifs par rapport à la normale. C'est pour cette raison, notamment, que la vire sexuelle de l'Africain est complètement déréglée : polygamie, adultère, pratiques dont on sait qu'elles augmentent considérablement les risques de contracter des maladies sexuellement transmissibles telles que le SIDA ou la syphilis.
La circoncision est un des facteurs de prolifération du SIDA.
Tous les circoncis le savent bien : dès que l'on contracte une irritation, une gale ou une infection, c'est toujours au niveau de la cicatrice laissée par la circoncision que se développe le mal.
Le prépuce des incirconcis est une protection naturelle du pénis. Entre le gland et le prépuce se produit une sécrétion naturelle, le smegma, qui n'existe plus chez les circoncis. En fait, loin de constituer une "protection", les séquelles laissées par la circoncision constituent une porte ouverte à toutes sortes de maladies dont le SIDA n'est qu'un exemple. On peut aussi citer la gonococcie, le staphylococcie, la blennorragie et divers empoisonnements de sang par manque d'hygiène. En fait, la nature fait bien les choses, et il s'avère qu'un organe intact est naturellement mieux protégé contre les agressions microbiennes qu'un organe circoncis. respectez la vie ! Respectez le corps !
Etre circoncis, c'est être marqué pour le reste de sa vie par un geste stupide. Marqué non seulement physiquement mais également moralement. De quel droit peut-on se permettre de modifier le corps tel qu'il est fait naturellement ? Nous lançons donc un appel à l'Afrique et à tous les parents de bonne volonté, capables de comprendre la gravité de notre message :
le corps de votre enfant ne vous appartient pas. Vous ne devez plus circoncire vos enfants. Il est urgent de mettre un terme à cette pratique dangereuse et douloureuse.
Afrika Wakamba (Afrique & Santé) - ©1983
Sans commentaire
"Les gens comparent cette nouvelle réglementation à celle que les nazis avaient mise en place contre les juifs", rapporte Lena Posner-Koeroesi, présidente de la communauté juive de Stockholm, en s'opposant au nom de la tradition, à un texte de loi "en faveur d'une pratique de la circoncision moins douloureuse et plus hygiénique".
Le Monde - 16/06/01
Suède
A Gothenburg, un père a été condamné pour coups et blessures après avoir fait circoncire son fils de 3 ans sans le consentement de son ex-épouse.
Helsingborg - 29/03/00
Suède, bis repetita
A Stockholm, la juge Eva Regner poursuit un médecin pour homicide involontaire après la mort d'un garçon de 3 ans en août 1999, suite à l'anesthésie générale qui précédait sa circoncision.
Radio Stockholm - 09/02/01
Danemark
L principale revue médicale du pays a publié le point de vue du Docteur Brandt intitulé : circoncision rituelle, un problème médico-social. Le remboursement par la sécurité sociale de la circoncision rituelle est de plus en plus contesté.
Ugeskr Laeger - 29/01/01
Bruxelles
Un nourrisson de 14 mois est décédé des suites de sa circoncision. L'infirmière de garde a été jugée responsable par la direction de l'hôpital et immédiatement licenciée.
Dinsdag - 18/07/00
Du choc des cultures à l'ingérence humanitaire ou l'ambiguïté
du politiquement correct
On trouve toujours plus "correct" que soi et la critique de la "pensée dominante" peut se décliner dans des sens opposés. C'est le cas de l'excision génitale féminine. La situation concrète est claire : 80 à 200 millions de femmes "excisées" dans le monde (depuis la "simple" ablation du clitoris et des petites lèvres 80%° à l'infibulation 15%), 2 millions de fillettes promises à cette intervention par an, essentiellement dans 28 pays d'Afrique, mais aussi dans des terres d'immigration européennes, américaines ou australiennes ; il semble que 30 000 femmes soient excisées en France, et que 20 000 autres y soient exposées.
Devant une telle situation, des voix se sont élevées à la fois dans les pays d'origine, mais aussi dans ceux où ces interventions sont qualifiées de mutilations et contraires à la loi (...).
Un vaste mouvement semble ainsi se dessiner dans notre pays, et dans nombre d'autres du monde occidental, ainsi que, et ce fait est très certainement le plus important, au sein des pays et ethnies concernés, africains en particulier. Mais pour qu'une action soit efficace, il faut qu'il existe une conscience précise des oppositions qu'll suscite. Celles-ci sont de deux ordres : la "pesanteur sociologique" et la pesanteur culturelle locale sont évidentes. Mais surgit aussi une résistance active, particulièrement aux Etats-Unis, et dont on peut lire une version très élaborée dans un récent numéro du journal de l'Académie Américaine des arts et sciences, Daedalus (automne 2000), intitulé "La fin de la tolérance, à propos des différences culturelles".
C'est cet article qui a suscité le titre du présent éditorial. Il critique en effet férocement le concept d'après lui "politiquement correct" et fondé sur des arguments erronés concernant l'ampleur des conséquences médicales de ces excisions, leurs effets psychologiques, sexuels, relationnels; il conteste la réalité du rejet par les populations locales ; il invoque surtout pour ces populations, comme pour les migrantes, le "droit à la différence", le respect des faits culturels, en se référant à un grand précurseur dans ce domaine, comme dans d'autres, Jomo Kenystta qui devait devenir le premier président du Kenya indépendant, et à sa thèse de 1938 sur la vie tribale des Gikuyu.
Cet article est intéressant car outre l'apologie aussi politiquement correcte que son contraire, de la différence culturelle, il révèle l'importance "initiatique" du processus qui n'est pas sans analogie avec certains comportements sectaires ; il traduit sans équivoque la crainte d'une extension de la critique à la circoncision masculine ; il prône surtout l'évolution vers ce qui constitue probablement ici le risque majeur : la "médicalisation", c'est à dire la réalisation de l'excision dans des conditions correctes d'asepsie et d'indolence, de manière à la rendre apparemment plus acceptable tout en laissant subsister ses stigmates anatomiques et sociaux. Il faut féliciter l'association "Equilibres et populations" d'organiser à Paris le 14 juin 2001, en association avec l'Académie de médecine, une journée destinée à l'étude de cette question ; cette journée révélera le sérieux des enquêtes menées sur ce sujet, la réalité de la prise de conscience et du rejet de l'excision par de nombreuses femmes africaines ; elle rendra plus évidente enfin la nécessité de protéger sur notre sol les Françaises issues de l'immigration qui ne doivent plus être exposées à une attitude discriminatoire, attentatoire à l'intégrité de leur corps et à la dignité de leur personne.
Claude Sureau - la Revue du Praticien 05/05/01
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Docteur Michel BEAUGÉ
ANDROLOGIE - SEXOLOGIE
maladies de l'appareil génital masculin
6, rue du Parc
29000 QUIMPER
le Mercredi 17 octobre 2001.
Cher Confrère,
Loïc, 26 ans, est venu me consulter. Il se pense concerné par un phimosis, et m'a connu en consultant un site Internet sur ce sujet, et qui diffuse un de mes écrits.
Ce garçon n' a qu'une expérience coïtale extrêmement limitée et décevante. Du fait de la peur, il évite les contacts avec les filles, et sa situation, ainsi, se pérennise.
Il attribue la gène ressentie au cours de la pénétration à une incapacité à décalotter.
Je l'ai examiné. Verge flaccide, le prépuce se dégage parfaitement. En érection, la verge est très longue et courbe vers le haut dans son tiers distal. Il n'existe pas de striction prépuciale. Mais du fait de la courbure, à la face inférieure, le frein est un peu tendu. Cependant cette particularité ne m'apparaît pas pouvoir être cause de dyspareunie manifeste.
En reprenant l'anamnèse, on retrouve un point commun à beaucoup de jeunes gens, à savoir que l'auto masturbation étant par définition en parfaite adéquation, dans sa dynamique, avec les besoins sensuels du patient, les premiers rapports sont ressentis décevants à ce strict niveau. Ce n'est qu'avec un peu d'expérience, que la dimension érotique est mieux perçue. Ce jeune homme ayant ressenti une gène bien modérée a été déçu par référence à l'idéal qu'il se faisait de la sexualité, et a fait machine arrière. Enfin, les années passant, il se trouve de plus en plus en retrait en comparaison de ses camarades dont l'expérience progresse. Qui plus est, les filles de sa génération, en savent plus que lui.
Le jeune homme vient de démarrer une relation avec une fille de 21 ans, dont il est amoureux depuis un an, et c'est d'ailleurs cette aventure précieuse qui l'avait décidé à une démarche médicale. Il est probable que la dimension affective de cette liaison contribuera à la résolution du problème.
Bien cordialement.
Article 222 est publié par l'Association contre la Mutilation des Enfants, BP 220 - 92108 Boulogne
Composé et reproduit par nos soins. Dépôt légal : 4ème trimestre 2001
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