Article 222

Journal pour les Droits de l'Enfant

 

 

n° 22 - 1 euro                                                3e trimestre 2001

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Mark essaye de nous faire passer pour de simples amis

mais ses yeux restent rivés sur moi. Il plaisante, raconte

par exemple que lorsqu'il a commencé à apprendre le chinois,

au lieu de dire «mon portefeuille», il disait «mon prépuce».

Un jour, sur le chemin du restaurant où il avait décidé

d'inviter ses collègues chinois à dîner, il a fouillé

dans ses poches et dit tout gêné à ses collègues :

«Excusez-moi, j'ai oublié de prendre mon prépuce avec moi.»

 

Shangaï Baby  de  Zhou Weihui

éd. Philippe Picquier, 2001.

 

bàopí = prépuce

 

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Autorité parentale et circoncision rituelle

 

Cour d'appel de Paris, 1ère chambre B - 29/09/2000

 

LA COUR :

Vu le jugement du 20 novembre 1998 par lequel le Tribunal de grande instance de Créteil

a condamné in solidum M. Pierre X, et le docteur Y à verser à Mme Elisabeth M, en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur, la somme de 10 000 F en réparation du préjudice

de celui-ci et celle de 20 000 F pour compenser le sien ;

Vu les conclusions de M. Pierre X qui, poursuivant l'infirmation de cette décision, demande que Mme Elisabeth M soit déboutée de l'ensemble de ses prétentions et condamnée à lui payer

10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en prétendant essentiellement : qu'il n'avait pas besoin de l'assentiment de Mme Elisabeth M pour faire procéder à la circoncision de l'enfant du couple ; que Mme Elisabeth M ne justifie

en toute hypothèse d'aucun préjudice personnel ;

Vu les conclusions par lesquelles le docteur Y, qui s'en rapporte sur le principe de sa responsabilité, s'oppose à toute élévation en appel du montant des dommages intérêts accordés par le tribunal ;

Vu les conclusions par lesquelles Mme Elisabeth M, agissant tant en son nom personnel, qu'en

sa qualité de représentant légal de l'enfant François-Xavier, poursuit la réformation du jugement déféré quant au quantum des indemnités allouées en sollicitant la condamnation de M. Pierre X, du docteur Y et de la compagnie Le Sou Médical au paiement, au titre de son préjudice moral,

de 50 000 F de dommages intérêts et au titre du préjudice tant corporel que moral de l'enfant,

de 100 000 F de dommages intérêts ; l'allocation d'une somme de 10 000 F sur le fondement

des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile étant par ailleurs réclamée ;

Vu les écritures de la polyclinique de L'Haÿ-les-Roses, de Me Ségard et de Me Riffier qui interviennent respectivement en qualités de commissaire à l'exécution du plan et de représentant des créanciers de cet établissement médical, et du Sou Médical tendant à la confirmation de

la décision critiquée et à l'allocation de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Cela étant exposé ;

Considérant que M. Pierre X  ne fait valoir en cause d'appel aucun élément de fait ou de droit

de nature à remettre en cause la décision rendue par les premiers juges au terme d'une analyse approfondie des faits et d'une exacte application du droit par des motifs pertinents que la cour adopte ; qu'en effet, comme le tribunal l'a justement relevé, M. Pierre X a profité de l'exercice

de son droit d'hébergement pour prendre la grave décision de faire procéder, à des fins rituelles,

à l'opération rappelée sur l'enfant du couple, sans avoir recueilli l'assentiment de la mère et alors que cet acte chirurgical ne s'imposait pas d'après les certificats médicaux versés au dossier ;

que la responsabilité de M. Pierre X doit être dès lors retenue de même que celle du docteur Y qui, s'étant contenté du consentement d'un seul des parents, a agi avec une légèreté blâmable ; que les préjudices respectifs de Mme Elisabeth M et de l'enfant ayant été justement appréciés

en première instance, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, étant observé qu'il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation contre Le Sou Médical qui n'est pas l'assureur du médecin ; qu'enfin Mme Elisabeth M bénéficiera seule des dispositions de

l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par ces motifs, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, rejette toutes prétentions plus amples ou contraires, condamne M. Pierre X à payer à Mme Elisabeth M 10 000 F

sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

au titre des frais irrépétibles d'appel.

 

M. Grellier, président - Mme Terrier-Mareil, substitut général - Maîtres Hirsch, Chemssy, Mandereau, avocats - Décision attaquée : TGI de Créteil, 1ère chambre, 20/11/98.

 

 

 

 

Revue de Presse


 

 

Verge marrie

 

 

Un petit pénis vient de naître et déjà, les adultes décident de le couper, de l'écorcher, le prépuce est tiré, le frein est tranché, la muqueuse à vif. La circoncision a eu lieu. Vieille pratique sociale, qui remonte à l'Ancien Testament, un marquage du corps aussi irrationnel que codé. Plutôt que de se lancer dans un commentaire tendancieux en faveur ou non de cette tradition, Nurith Aviv

a écouté, dans son beau documentaire, sobrement intitulé Circoncision, les réflexions de parents confrontés à la décision de circoncire leur fils.

La série  de témoignages passionnants qu'elle a recueillis, au lieu de nous conforter dans nos propres convictions personnelles ou préjugés, nous plonge dans une interrogation complexe. Conscient de la violence de la mutilation, aucun n'affirme que l'acte de couper le prépuce coule de source. Pourquoi décider de marquer un enfant  dans sa chair, se demandent ces parents, dénués de toute certitude. Comme le reconnaît un jeune père juif, tourmenté à l'idée de violenter son fils, "il n'existe pas de vraie bonne raison pour justifier cet acte". Pas de bonne raison en dehors des arguments hygiénistes (comme aux USA où, depuis la fin du XIXème siècle, un courant hygiéniste force chaque enfant à se faire circoncire), mais surtout du désir d'inscrire le fils dans un lignage, comme les traditions juive et musulmane l'exigent. Située dans une histoire commune transcendante, la circoncision constitue aussi un rite de passage déterminant dans la relation à la mère. Durant la cérémonie, l'enfant est arraché des bras de sa mère ;  la coupure

du prépuce signifie alors la coupure de la relation fusionnelle avec elle. "C'est par une coupure, un arrachement, par la perte de quelque chose que se construit un lien, que se fait un homme", explique un chirurgien lui-même circoncis.

Dialectique complexe entre tradition et liberté, que de nombreux parents issus de ces couples mixtes vivent assez mal. Telle cette jeune infirmière, mariée à un Juif, qui reconnaît ici, dans un très beau témoignage, son embarras entre son refus de l'acte violent et son désir de ne pas couper son fils de l'histoire juive de son père. Entre couper le prépuce et couper l'héritage familial, son coeur balance. Un cas de conscience que beaucoup de parents surmontent avec intelligence, en reconnaissant eux-mêmes que, plus que la circoncision, le mode d'appartenance

à une religion ou un groupe passe avant tout par autre chose : la parole, véhicule irremplaçable de transmission, qui en dit bien plus qu'un simple gland mis à nu.

 

Inrockuptibles - 6/03/01

 

 

Circoncision et africanité

 

 

A propos du film de Nurith Aviv, votre article ne relève pas ce qui doit  être la plus incroyable

omission de ce documentaire, c'est-à-dire l'origine africaine de cette coutume. Le judaïsme aussi bien que l'islam ont reçu cette pratique de leurs contacts avec l'Afrique. Toutes les populations africaines non islamisées, non occidentalisées, pratiquent traditionnellement la circoncision, coutume reçue de leur propre préhistoire, et qu'elles ont très certainement léguée aux religions qui la pratiquent.

Cette omission dénote l'extraordinaire refus de reconnaître l'héritage culturel africain qui a légué au monde méditerranéen, par le canal de l'Egypte, certains des traits caractéristiques de ses traditions. Cette reconnaissance permettrait aussi de mettre en parallèle la circoncision avec l'excision, son double archaïque, encore pratiquée dans certaines régions d'Afrique, celles qui sont les plus proches du foyer culturel africain préhistorique situé dans la Haute-Egypte, alors qu'elle est inconnue chez les Bantous d'Afrique du Sud, probablement parce que cette mutilation est beaucoup moins anodine que l'autre. L'inscription symbolique de la loi sur le corps, qu'elle soit sexuelle ou plus généralement sociale, précède évidemment l'écriture et signe l'antériorité de ce rite par rapport aux religions historiques qui se sont contentées de l'adopter.

Cheikh Anta Diop avait déjà signalé le refus de l'Occident de reconnaître une influence quelconque de l'Afrique dans son propre héritage culturel. Allez savoir pourquoi !

 

Courrier lecteur au Monde Télé - 11/03/01


 

 

Circoncisions en Corée du Sud

 

 

Le professeur Dai Sik Kim de l'Université nationale de Séoul a participé au Forum international contre les mutilations sexuelles, organisé à Sydney, Australie, du 7 au 9 décembre 2000.

A cette occasion, il a rendu public son enquête auprès des médecins de son pays où le taux de circoncis chez les étudiants atteint 95%.

Selon son étude, la circoncision est devenue un rite de passage préconisé avant le service militaire et le mariage. L'influence de la culture américaine a été décisive puisque le taux de circoncision parmi les jeunes diplômés coréens était seulement de 0,1% avant 1950.

 

AME - 13/12/00

 

 

Les bébés de l'atome

 

 

Décidément, rien n'arrête la science. Ni les frontières ni les scrupules, à en croire les révélations récentes de la presse britannique qui a mis à jour l'existence dans les années 50-60 d'un trafic mondial de cadavres de bébés, pour les besoins d'expérimentations nucléaires aux Etats-Unis.

Les corps de 6000 bébés auraient ainsi été subtilisés, sans le consentement de leurs parents, dans des hôpitaux australiens, canadiens, américains, mais aussi à Hongkong et en Amérique du Sud.

Une opération baptisée "Project Sunshine" et qui avait été lancée par Willard Libby, honoré d'un prix Nobel en 1955.

Le gouvernement australien, qui s'est particulièrement ému de l'affaire, a annoncé hier l'ouverture d'une enquête.

 

Libération - 06/06/01

 

 

 

Le parlement suédois vote une loi sur la circoncision rituelle

 

 

Le représentant new-yorkais du Congrès juif mondial rapporte que de nombreux correspondants européens se sont élevés contre la nouvelle loi suédoise votée le 1er juin,

qui oblige à anesthésier les bébés avant toute circoncision et limite le pouvoir des circonciseurs rituels. Cette loi intervient après le décès d'un jeune garçon musulman.

Le Congrès juif mondial estime à 3000 le nombre de circoncisions rituelles chaque année en Suède (juifs et musulmans confondus). Son porte-parole rappelle que les dernières restrictions concernant cette pratique remontent à la période du nazisme.

On compte environ 18500 juifs aujourd'hui en Suède. Le Congrès juif mondial espère que le Premier Ministre suédois, en visite en Israël ce week-end, fournira des explications aux autorités.

La loi doit prendre effet au 1er octobre 2001.

 

Reuters - O7/06/01


 

 

Les autorités médicales américaines ont proclamé la circoncision inutile

Un avocat mène la croisade contre cette mutilation sexuelle. Un sujet encore tabou

 

William Stowell, circoncis à la naissance comme une majorité de ses concitoyens du sexe masculin, n'était pas tout à fait satisfait de sa vie sexuelle. Alors il a fait ce que tout Américain qui se respecte aurait fait dans son cas : il a intenté un procès contre l'hôpital où il a vu le jour en 1981. Catholique italienne, sa mère dit qu'elle n'aurait jamais souscrit à l'opération si elle n'avait pas été sous l'effet d'un anesthésique quand on lui avait donné à signer la lettre de consentement.

L'action en justice a beaucoup fait jaser la presse. Si l'on en rie encore, cela n'est sans doute pas étranger au fait qu'aux Etats-Unis le sujet est tabou. Environ 60% des garçons américains sont

circoncis à la naissance, contre 90% dans les années 60. Cette diminution est attribuée à une opposition croissante à la pratique, qui est néanmoins ancrée dans les mœurs et persiste en dépit des proclamations successives de son inutilité par les institutions médicales nationales.

Mais critiquer l'acte de circoncision est mal vu. Il est si routinier aux Etats-Unis que Robert, qui aura 4 ans en septembre, l'a subi envers et contre le souhait expressément formulé de ses parents, Randi Harlan et Charles Hardy, qui y sont moralement opposés. La surprise de Randi, après son accouchement, a vite fait place à la colère. Le sang de Randi et de Charles n'a fait qu'un tour :

le surlendemain, ils appelaient la police. Peu après, ils se présentaient devant les tribunaux.

Au terme d'un arrangement à l'amiable, ils ont reçu 35 000 dollars de dommages intérêts, dont Robert disposera à sa majorité. Ses géniteurs pensent qu'il en aura besoin, surtout s'il choisit de réparer "le mal qui lui a été fait" et de recouvrer (par un procédé de distension) le prépuce excisé et les attributs sensoriels qui vont avec, selon eux. Ils ont en commun avec M. Stowell, un avocat et activiste dénommé David Llewellyn, qui a fait des procès anti-circoncision une croisade, sa spécialité et son gagne-pain. Ses clients s'en réjouissent  : il obtient souvent succès. Il a sur son bureau, à Atlanta, 21 dossiers en cours. Les plaintes sont de trois types : celles pour circoncision sans consentement, celles pour blessures ayant résulté de l'opération et celles impliquant deux parents qui ont joué de la menace de la circoncision de leur garçon, ou l'ont mise à exécution, au cours d'un différend domestique. L'avocat est intarissable dans sa condamnation de la pratique.

Mis à part les motifs religieux, rien ne la justifie d'un point de vue médical. Elle perdure aux Etats-Unis, quand les autres pays occidentaux l'ont abandonnée, en partie par intérêt économique : la procédure coûte entre 300 et 400 dollars. Cette pratique rapporte quelque 400 millions de dollars par an au monde médical. Elle a la vie dure aussi, d'après Me Llewellyn, "parce qu'il est difficile pour les hommes américains d'admettre qu'elle est dommageable et qu'ils sont moins qu'entiers". Dans tous les cas, pour ses détracteurs, la circoncision constitue une mutilation : "un acte barbare", selon Randi Harlan, qui s'en "voudra toujours parce que je n'ai pas su protéger mon enfant".

"C'est la pratique médicale la plus irrationnelle qui existe aux Etats-Unis, conclut David Llewellyn. Les gens pensent que la médecine ici est brillante et dans de nombreux domaines elle l'est. Mais nous avons malheureusement exporté cette supercherie dans le monde, comme

en Corée du Sud par exemple".

 

Le Matin (Suisse) - 18/06/01

 

 

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       ASSOCIATION CONTRE

 LA MUTILATION DES ENFANTS

 

Boulogne, le 17/05/01.

 

à l'attention de Madame C.R..

 

 

                                                        Madame,

 

 Je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre travail lors de la remise à jour

du dictionnaire Robert Junior. 

Ma fille de 11 ans a ainsi entre les mains un outil pédagogique irremplaçable. Cependant, je vous prie de bien vouloir accepter mon interrogation au sujet de deux mots manquants : prépuce et excision.

Je pense que les enfants auraient autant de plaisir à apprendre leurs définitions que par exemple cette partie du corps que l'on appelle le rectum. Qu'en pensez-vous ? Surtout n'y voyez aucune désobligeance ou discourtoisie à votre égard. Simplement en tant que sexologue et chirurgien à la retraite, j'ai beaucoup milité contre les mutilations sexuelles et je continue à sensibiliser le jeune public par des conférences dans les écoles.

Quant à la définition de circoncision, elle me paraît inexacte. En effet, ce n'est pas un petit bout de peau que l'on enlève, mais plus sérieusement une muqueuse. Imaginez  la même légende pour l'excision, ce serait un tollé général. Comment, le clitoris est un petit bout de peau ?

 Restant à votre entière disposition pour toute précision complémentaire, je vous présente, Madame, mes respectueux hommages.

 

                                                      Docteur Gérard ZWANG

 

 

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NOUVELLE CASSETTE - VIDEO

 

Conférence du Docteur Gérard Zwang

La fonction érotique du prépuce et du clitoris

165 Francs, frais postaux inclus.

 

AME - BP 220 - 92108 Boulogne cedex

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Chroniques Abyssiniennes de Moses Isegawa

écrivain néerlandais, d'origine ougandaise

© Albin Michel - 2000

 

 

 A supposer que le néophyte ait eu l'intention de prendre encore trois femmes, dans ce monde ou dans l'autre, pour l'instant c'était le moindre de ses soucis. Il était surtout préoccupé par l'inflammation due à la circoncision qui rendait son pénis extrêmement sensible et impossible à manier. L'usage normale de son membre, pour uriner par exemple, était une épreuve indicible qui le contraignait à rassembler toutes ses forces avant de s'y livrer. le long machin qui pendouillait entre ses jambes frottait contre sa tunique ou son pagne, et des fils ou des poils se collaient alors à la plaie, lui faisant subir mille tortures, qu'il fût assis, couché ou debout. Parfois une croûte se formait, recouvrant la chair rose à vif et le docteur Ssali reprenait espoir mais, comme si le diable s'en mêlait, il bandait la nuit et elle se crevassait. Et tout recommençait : la douleur quand il urinait, les fils qui se collaient à la plaie et la pommade brûlante qui lui arrachait des larmes.

Il se rasait les poils pubiens tous les deux jours mais ceux-ci, en repoussant, lui donnaient des démangeaisons autour de la plaie qui le jetaient pendant des heures dans des affres meurtrières.

Le médecin attribuait la persistance de l'inflammation à son âge. Alors qu'il n'avait que quarante ans ! Certains disaient que c'était un anathème jeté sur Ssali par un membre décédé de la famille pour le punir d'être passé du coté d'Allah. Le néophyte était dans tous ses états. Pendant des semaines et des semaines, il fit tout pour conjurer cette malédiction mais les têtes revenaient sans cesse et les croûtes de sa blessure continuaient de se crevasser. La seule proximité des mouches rendait malade son cerveau médical. La pourriture ! Lui qui consacrait sa vie à tenter de l'éradiquer! Tout le monde lui répétait que les risques de cancer du pénis étaient plus grands chez les convertis moins jeunes. A l'école, ses enfants se faisaient maintenant huer par leurs camarades qui leur criaient «hommes aux mouches», «pénis bobo» et «papa-tunique».(...).

 

Elle était née dans la Nuit des longs couteaux et le couteau l'avait choisie avant même sa naissance. Elle avait été infibulée deux fois. La première fois par une femme sans expérience qui n'avait pas bien recousu les lèvres de sa vulve, si bien qu'au bout de trois semaines, la blessure n'avait pas encore été fermée. Un an après, à l'âge de treize ans, on l'avait de nouveau infibulée. La nuit précédant sa nuit de noces, une femme de la famille l'avait rouverte avec un couteau pour élargir le trou à usage multiple qu'elle avait hérité de l'infibulatrice. A la naissance de son fils, la sage-femme l'avait coupée un peu plus largement avec un couteau pour faire passer la tête du bébé. Après l'accouchement, on l'avait recousue. Et après la naissance de sa fille, elle ne put résister plus longtemps au besoin d'effectuer elle-même des infibulations. Elle se servait  de couteaux, de lames de rasoir, de pangas, de poignards, de tessons de verre, tout ce qui avait un côté tranchant, et sentait alors un immense pouvoir couler dans ses veines. Elle était persuadée qu'elle pourrait, s'il le fallait, exciser une petite fille avec un panga, sans l'abîmer. Elle était sûre qu'elle le ferait mieux que la plupart des infibulatrices et éviterait beaucoup de douleur aux fillettes. Sa première patiente fut sa propre fille. Et depuis, tout le monde savait qu'elle avait, pour ces pratiques, un talent naturel et que des femmes comme elle il n'y en avait pas une sur mille. C'était une artiste. Ses clientes n'eurent jamais de complications. Elle fixait les bouts restants des lèvres avec une épine et, quelques semaines plus tard, on aurait pu croire que l'opération avait été faite par un chirurgien. Les blessures ne s'infectaient jamais, même si elle n'employait qu'un minimum d'herbes médicinales ou de médicaments modernes. Il lui était arrivé de cracher sur une blessure parce qu'elle menaçait de s'infecter et, au bout de quelques jours, le pus avait disparu.

Sa renommée se répandit de bouche à oreille et arriva jusqu'aux chefs de l'Etat. Sa carrière monta en flèche. Elle fut submergée de clientes, invitée dans les endroits les plus impensables. elle allait en avion dans des pays étrangers, à la demande de riches familles émigrées.

Dans la Corne-sans-clitoris-ni-lèvres-de-vulve, elle était l'infibulatrice privée de deux chefs du gouvernement et de plusieurs ministres et hauts fonctionnaires. Pour se rendre dans les villages éloignés, elle se servait d'un hélicoptère. A New-York, elle organisait des cérémonies annuelles ; à Londres et dans d'autres grandes villes anglaises, les parents l'attendaient avec impatience tous les étés. Cette tournée devait la conduire d'Amsterdam à Rotterdam et d'autres villes néerlandaises dont elle n'arrivait pas à prononcer le nom. Avant d'arriver à Amsterdam, elle s'était arrêtée à Francfort et Hambourg. Cette année, elle ne passerait pas par la France parce qu'elle avait des divergences de vues avec ses contacts et parce que les autorités françaises interdisaient l'excision des petites filles. Mais cela ne la gênait pas : les parents pouvaient toujours lui envoyer leurs filles ou attendre jusqu'à l'année suivante.

 

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