Article 222

Journal pour les Droits de l'Enfant

N°15 - 1 euro2e trimestre 1999

 

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REVUE DE PRESSE

 

Un nouveau-né mort suite à sa circoncision.

Un bébé de 3 semaines est décédé le 20/10/98 à Cleveland dans l'état de l'Ohio après une anesthésie générale. Le petit Dustin Evans, circoncis le lendemain de sa naissance, a été amputé de son urètre et les chirurgiens ont tenté une ultime opération afin de sauvegarder le sexe de la petite victime. Les parents de l'enfant estiment ne pas avoir été suffisamment informés des risques liés à cette mutilation.

Nocirc Newsletter - 03/99

 

Pour la 1ère fois en 40 ans d'existence,
l'Académie Américaine de Pédiatrie condamne la circoncision.

"Les arguments médicaux en faveur de la circoncision des nouveaux-nés ne sont pas assez convaincants pour recommander cette opération de routine."

Reuters - 01/03/99

 

Échec et méat : l'histoire la plus lamentable de la semaine.

La vie de James Williams inspirait bien des convoitises jusqu'à ce que lui vienne l'idée saugrenue de se faire greffer un prépuce tout neuf. Mari comblé et pilote de ligne émérite, ce Britannique avait, comme nombre de ses compatriotes, été circoncis à la naissance par simple souci d'hygiène. Victime de quelques défaillances, il espérait que cette greffe restituerait à son appendice toute sa sensibilité. "Le chirurgien, explique son avocat, ne s'est pas rendu compte assez vite que l'intervention avait échoué et que le pénis de mon client commençait à se nécroser."
Depuis, le malheureux Williams a été opéré 5 fois pour tenter de sauver ce qui n'était plus qu'un moignon.(...).
Il réclame 30 millions de francs de dommages et intérêts pour l'aider à faire le deuil de son défunt membre.

Marianne - 14/12/98

 

Roman : Allah, le sexe & moi.

D'abord, c'est un conte initiatique, un récit d'enfant qui sent le soufre, le sang et le soleil du Maghreb. Le jeune Younes découvre le rite de la circoncision et tous ses corrélats. Et puis il y a Allah, ses invocations récurrentes et le regard persistant de la mère sur le sexe de son fils. Dans la Soumission, d'Amin Zaoui, Younes est tiraillé entre la religion et la sexualité.(...). Taxé de provocation, Zaoui aime se référer au courage de l'écriture. Il sait de quoi il parle : interdit de publication en Algérie, il n'a pas mis les pieds dans son pays depuis 1995.

Marianne - 14/12/98

 

Circoncision.

Les 47 membres de l'Assemblée britannique des mohalims (circonciseurs) déploient leurs activités dans le monde entier, en particulier dans les pays de l'ex-URSS. Au cours de missions de quelques jours, ils opèrent à chaque fois plusieurs dizaines d'hommes de tous âges - bébés, adolescents ou adultes, souvent pères et fils mêlés. Après une période d'encombrement, si l'on peut dire, dans les premières années de l'après-communisme, la demande de circoncision et la prestation organisée sont désormais régulées.

l'Arche - 02/99

 

Excision : Mariatou seule face aux siens.

Les traits si fins, des airs d'enfant, belle et sereine dans son tailleur gris, Mariatou, 23 ans, est celle que les militantes contre l'excision attendaient depuis longtemps.

Pour la 1ère fois, une victime de cette mutilation du clitoris et des petites lèvres a trahi la loi du silence. Doublement. En évoquant publiquement l'excision, sujet dont on ne doit jamais parler. Et en provoquant l'arrestation d'une cinquantaine de compatriotes et la mise en détention de l'exciseuse, Mama Greou qui aurait "coupé" plusieurs centaines de fillettes depuis son arrivée en France. Mama Greou et une trentaine d'accusés sont jugés depuis le 2 février par la Cour d'assises de Paris. Née en 1975 à Paris de parents maliens, aujourd'hui étudiante en droit, elle appartient à la 1ère génération issue des lois sur le regroupement familial. La chance de Mariatou, ou sa différence, c'est d'avoir passé les 8 premières années de sa vie dans une famille d'accueil de la Sarthe, dont elle est restée très proche. Peu après son retour dans le squatt parental, sa mère la conduit dans un immeuble "pour se faire vacciner." Mariatou avait 8 ans. "Deux femmes m'ont forcée à me coucher par terre, l'une me tenait les jambes, l'autre les bras. Une troisième s'est baissée et m'a excisée. Je criais, je demandais à ma mère pourquoi elle ne m'avait rien dit. Ma mère pleurait en me voyant." A 14 ans, elle a retrouvé l'exciseuse chez elle, qui venait, cette fois, "couper" la dernière-née. Le soir de ses 18 ans, Mariatou a disparu du domicile familial et, quelques mois plus tard, elle s'est rendue chez le juge. Pour la 1ère fois dans ce genre d'affaire, ce ne seront plus des Blancs qui réclameront justice pour ces milliers de françaises d'origine africaine. Le "droit" à la différence ethnique, argument traditionnellement avancé par la défense, a, cette fois, pris un peu de plomb dans l'aile. D'autant que les écoutes téléphoniques ont permis de prouver que les mères n'ignoraient rien de l'interdiction, ni de ses conséquences pénales. L'une d'elles conseillait même d'amener les petites "très jeunes car, sinon, elles ne veulent plus."

Elle - 08/02/99

 

L'exciseuse est-elle une criminelle ?

Le procès de l'exciseuse malienne Hawa Gréou pose - une fois de plus - le problème de l'attitude de la justice française devant cette coutume considérée comme une mutilation sexuelle barbare, dont le but serait selon certains, d'empécher le plaisir sexuel chez la femme, et qui est traitée comme un crime de droit commun passible de longues années de prison.(...). Les institutions de la circoncision et de l'excision sont en rapport avec la notion de personne, souvent d'une grande complexité dans les cultures africaines.(...). Quant au droit au plaisir sexuel pour la femme, de nombreux témoignages d'ethnologues prouvent qu'il est parfaitement reconnu, y compris dans les ethnies où l'excision est pratiquée. Cette "forgeronne" soninké, qui, selon le témoignage du Monde, s'est expliquée avec une grande dignité, doit-elle vraiment être considérée comme une criminelle et encourir 15 ans de prison ? Doit-elle être mise sur le même plan que les "droits communs" ou même les pervers sexuels ?

Geneviève Calame-Griaule, ethnologue, directrice de recherche honoraire au CNRS - Le Monde - 10/02/99

 

Sans commentaire.

"La France intolérante et barbare emprisonne les parents maliens et les exciseuses" jugeait, mardi 16 février, Le Républicain, quotidien indépendant du Mali.

Le Monde - 18/02/99

 

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Cour d'Appel de Liège

10e CHAMBRE CIVILE des Appels de la JEUNESSE.

 

ARRET

R.G. N° 471/79

EN CAUSE :

 

 

Monsieur B...... Ahmed, ouvrier mineur, né à Douar Errich, commune de Bezzit, arrondissement de Bouira, département de Grande Kabylie, Algérie, le 6 mars 1937, divorcé d'avec Y.... Monique, domicilié à Seraing, rue Giordano Bruno ;

 

appelant,

Maître R. Balaes, Avocat à Liège,

 

CONTRE :

 

Madame Y.... Monique Juliette, né à Vitré, département d'Ille et Vilaine, France, le 23 septembre 1942, femme de ménage, divorcée en premières noces d'avec B...... Ahmed, actuellement veuve de D...... Julien, domiciliée à Seraing, avenue Davy,

 

intimée,

Maître Xharde, Avocat à Liège,

_ _ _ _ _ _ _ _ _

 

 

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

 

Revu les arrêts de la Chambre des Appels de la Jeunesse de la Cour de céans des 25 mars et 21 octobre 1980 ;

Attendu que le premier juge a relaté les faits de la cause, que la Cour se réfère à cet exposé ; qu'il suffit de rappeler que l'appelant - demandeur originaire - de nationalité algérienne, sollicite à titre principal l'autorisation de faire pratiquer la circoncision sur son fils Salem, lequel est à la garde de sa mère depuis le 15 décembre 1972 et, à titre subsidiaire, postule le droit de garde de cet enfant ; que la mère, intimée, défenderesse originaire de nationalité belge, (et non française, comme repris au jugement a quo, sur base de documents d'état-civil erronés, comme il résulte de devoirs subséquents versés aux débats devant la Cour) tantôt à titre principal, tantôt à titre subsidiaire, comme il ressort des éléments de la cause, ne consent pas à la pratique envisagée ; qu'en fait, il appert du rapport de l'assistante sociale versé aux débats après l'arrêt d'avant dire-droit que "toutefois, la mère accepterait que l'enfant soit circoncis si cette condition était la seule qui lui permette de conserver la garde de son fils qu'ainsi, même si l'intimée s'en réfère à justice in termine litis il n'y a pas lieu de dire que la demande principale est présentement devenue sans objet ; qu'en effet, si l'appelant, au vu de "l'accord" de l'intimée du 24 novembre 1979, annonçait le 15 mai 1980 que la circoncision de Salem serait pratiquée pendant les grandes vacances 1980, il n'en est encore rien à l'heure actuelle ;

 

Attendu d'autre part, que la partie publique, dans son avis donné à l'audience du 3 février 1981, propose à la Cour de dire la demande "irrecevable parce que contraire à l'ordre international public belge", au motif que la liberté des cultes et de leur exercice public est garantie en Belgique, sous réserve de la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés et en particulier des atteintes à l'intégrité de la personne physique, notamment la circoncision, l'excision ou l'infibulation ;

 

Attendu qu'à l'encontre de l'excision ou de l'infibulation, qui sont des pratiques de nature toute différente, ne fût-ce que dans leurs effets, la circoncision, en elle-même, ne représente pas une pratique contraire à l'ordre international belge, même si, en dehors de certains États, elle ne repose que sur une tradition religieuse ou une coutume culturelle, par ailleurs, exceptionnellement obligatoire selon l'usage ou la norme en cause ; qu'ainsi il n'y a pas lieu de dire la demande originaire irrecevable parce que contraire à l'ordre international belge ; qu'en effet, l'immunité médicale se justifie par l'état de nécessité qui peut dépendre de facteurs psychiques pouvant eux-mêmes découler de considérations esthétiques ou du respect de règles éthiques, pour autant qu'ils ne soient pas indéfendables au plan médical ou psychologique ;

 

Attendu, encore, que l'autorité parentale peut toujours être soumise au contrôle judiciaire, ne fût-ce que dans la perspective du recours de l'auteur du mineur qui n'en a pas la garde contre la décision prise par l'autre, en ce qui concerne les grandes options fondamentales de son éducation, comme, en l'espèce, la demande de l'appelant l'a voulu ; qu'en effet l'autorité parentale tire son fondement légitime de sa finalité propre, à savoir l'intérêt de l'enfant, lequel reste la base téléologique de l'autorité parentale ou de la puissance paternelle dans le cadre de la législation belge comme dans l'optique de la législation algérienne ;

 

Attendu que l'enfant concerné - Salem, né le 14 juin 1967 - vit avec sa mère depuis 1971 (époque à laquelle l'intimée a quitté son premier mari) et avec le second mari de sa mère dans des conditions morales et matérielles parfaitement adéquates ; que les deux autres enfants communs des parties en cause sont élevés par leur père dans des conditions de vie également parfaitement appropriées ; qu'il n'y a aucune raison valable de modifier l'attribution du droit de garde matérielle ou juridique du mineur intéressé par le litige en cause ;

 

Attendu que l'enfant Salem est né en Belgique, y a toujours vécu, se trouve à la garde de sa mère, laquelle, de religion catholique, l'a fait baptiser le 27 novembre 1975 et, jusqu'il y a peu, suivre le cours de religion catholique dans l'enseignement de l'Etat avant de l'inscrire en morale non confessionnelle, sans soulever la moindre objection de la part de l'appelant ;

que, toutefois, cet enfant est algérien, comme il est constant qu'est de nationalité algérienne par filiation l'enfant né d'un père algérien ;

que cet enfant, néanmoins, se trouve dans les conditions légales d'option de patrie et pourrait en conséquence devenir belge et continuer à vivre en Belgique et partager l'idéologie non confessionnelle ou religieuse qu'il choisira à l'âge adulte et se soumettre à ce moment-là au rite coutumier concerné de la confession musulmane éventuellement adoptée par lui, s'il le souhaite ;

que, surabondamment, le mineur a varié dans l'opinion personnelle qu'il a sur ce sujet à son endroit, et qu'on ne peut pas dire qu'il ait consenti réellement à cette intervention concernée ;

 

Qu'en conséquence, comme l'a judicieusement relevé le premier juge, il n'est pas, en l'occurrence, opportun de prescrire l'intervention querellé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 ;

 

La COUR,

 

statuant contradictoirement,

reçoit l'appel et le dit non fondé,

confirme le jugement entrepris,

et vu la qualité des parties, compense les dépens des deux instances non liquidés par elles à défaut d'états joints à leurs conclusions.

Ainsi fait et prononcé, en langue française, au Palais de Justice à LIÈGE, à l'audience publique de la Cour d'Appel, Chambre des Appels de la Jeunesse,

le NEUF AVRIL mil neuf cent quatre vingt et un ;

Présents : Messieurs Cl. YSERENTANT, Conseiller, Juge d'Appel de la Jeunesse ;

R. MACAR, Substitut du Procureur général et Madame L. MUERS, Greffier délégué par arrêté ministériel du 23 mars 1981.

 

 

 

 

ARTICLE 222 est publié par :
l'Association contre la Mutilation des Enfants,
BP 220
F-92108 BOULOGNE
ame@enfant.org
Composé et reproduit par nos soins. Dépôt légal : 2e trimestre 1999


 

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